Il y a un mois, chers lecteurs, je vous confiais que je partais en vacances dans un pays bouddhiste, histoire de ne plus entendre parler de l'islam. Vous avez été très nombreux à m'en féliciter: Ah, le bouddhisme, quelle belle religion d'amour et de paix! Ah, les bouddhistes! La simplicité volontaire de leurs doux moines aux pieds nus... Sous-entendu: c'est bien le contraire de l'islam!

Pas si vite, les amis. La Thaïlande, premier pays bouddhiste au monde, est actuellement secouée par d'énormes scandales de corruption impliquant le haut clergé bouddhiste.

Qui plus est, dans le pays voisin, la Birmanie, nos gentils bouddhistes sont les meneurs des pogroms qui sont en train de décimer la minorité musulmane des Rohingya.

Un peu plus d'un million de musulmans de très lointaine origine indienne, qui vivent en Birmanie depuis des générations, auxquels se mêlent quelques immigrants du Bangladesh, sont victimes depuis deux ans de persécutions systématiques aux mains de la majorité bouddhiste.

Apatrides dans leur propre pays, ils n'ont, dans les meilleurs des cas, qu'une carte d'identification temporaire que le gouvernement birman entend d'ailleurs leur retirer pour s'assurer qu'ils n'auront pas droit de vote au prochain référendum sur la constitution. Les moines birmans ont organisé des manifestations massives pour réclamer cette mesure. Joli spectacle que ces saints hommes en robe safran levant le poing contre une minorité pauvre et désarmée.

Qu'en pense la fameuse Aung San Suu Kyi, chef de l'opposition birmane et Prix Nobel de la paix? Rien du tout. Loin de condamner les exactions contre la minorité rohingya, elle dit comprendre les «craintes» qu'inspire «la puissance islamiste» à la majorité bouddhiste (90% de la population, contre 4% de Rohingya). Il faut croire que la dame fait passer ses ambitions politiques avant toute chose, au risque de voir son étoile pâlir parmi ses admirateurs occidentaux (ce qui est d'ailleurs en train de se produire).

Des milliers de Rohingya ont trouvé refuge en Thaïlande - façon de parler, car ils n'y ont qu'un statut précaire: ceux qui réussissent à obtenir un permis de travail n'y auront pas le droit de faire instruire leurs enfants.

La Thaïlande est de loin le principal foyer du bouddhisme, avec ses 37 000 temples et ses 67 millions d'habitants à 95% bouddhistes. Nombre de garçons sont éduqués dans des monastères, et la plupart des hommes adultes se conforment à la tradition de se faire moines au moins pendant quelques semaines.

Or, il y a neuf ans, Phra Dhammachayo, le chef du temple renommé de Dhammakaya, au nord de Bangkok, a été impliqué dans une gigantesque affaire de fraude, après avoir détourné à son profit des dons en argent et en terres provenant de fidèles et de donateurs internationaux. Les autorités religieuses, dans ce pays où la monarchie, l'État et le bouddhisme sont organiquement liés, ont tenté de le couvrir, mais l'affaire refait surface.

Un autre moine, Nem Kham, se promène en jet privé au mépris de ses voeux de pauvreté. Le chef de Wat Saket, l'un des temples les plus anciens et les plus prestigieux du pays, vient d'être démis de ses fonctions pour avoir pigé dans les fonds réservés pour les cérémonies de crémation de son prédécesseur. Un autre a détourné du budget de son institution l'équivalent de cinq millions de dollars pour l'investir à son profit dans le marché boursier. D'autres membres du haut clergé ont été mêlés à des trafics illégaux... La Thaïlande, dont le bouddhisme est la plus ancienne marque identitaire, est ébranlée dans ses fondements.

Certes, les bouddhistes n'ont rien à voir avec le délire assassin de Daech (le groupe État islamique). Mais eux aussi sont capables de corruption, de racisme et de cruauté. Le clergé bouddhiste est moins vertueux qu'il en a l'air...