Le paradoxe est cruel, quand on pense au sang versé, mais les attentats de Paris ont eu des effets bénéfiques sur l'humeur des Français, de même que sur l'image de leurs dirigeants.

La réaction ferme et digne du pays, la solidarité internationale, la grande marche silencieuse qui a suivi l'horreur, de même que l'atmosphère sans précédent d'unité nationale, tout cela a atténué le «déclinisme» qui était en train de devenir la maladie chronique des Français.

De moroses et grognons qu'ils étaient, ils se sont redécouverts unis autour de leurs valeurs. «Je suis enfin fière d'être Française!», m'écrit une amie journaliste normalement peu portée aux élans patriotiques.

La douceur inhabituelle qui tout à coup imprégnait les rapports humains, la prévenance dont chacun faisait preuve envers les autres dans le métro ou dans la rue, cette foule énorme et compacte qui défilait sans le moindre heurt, applaudissant même les CRS (l'escouade antiémeute normalement honnie), tout cela était du jamais vu.

Jamais vu non plus, le rassemblement des partis, à la seule exception du Front national, resté à l'écart. Les Français, habitués aux violentes joutes partisanes, ont frémi d'émotion en entendant les députés, unanimes, entonner spontanément la Marseillaise à l'Assemblée nationale.

Touche d'ironie dans ce pays si résolument laïc, on a emprunté au lexique catholique pour désigner cette solidarité nouvelle. Ces jours-ci, on parle couramment de «communion», sans guillemets.

Les Français ont gardé le sens des rites solennels. Dans quel autre pays aurait-on vu des cérémonies aussi grandioses que celles qui ont suivi les attaques? Il y en avait pour la vue - ces décors somptueux uniques au monde qui servaient d'écrin aux cérémonies. Et il y en avait pour l'oreille - ces discours lyriques et bien construits dans lesquels excelle la classe politique française.

Les morts furent célébrés et décorés, les héros remerciés, on fit corps autour de ce jeune Malien musulman qui a aidé les clients du supermarché juif à se cacher et qui, en retour, a reçu le cadeau suprême, soit la nationalité qu'il convoitait depuis des années.

Aux carnages des 7, 8 et 9 janvier, succédaient des moments d'intense émotion... avec, dans le rôle de chef d'orchestre, le président Hollande, à qui les événements ont fourni l'occasion de se forger enfin une stature présidentielle.

Hier, un sondage Ifop annonçait une remontée spectaculaire de François Hollande, dont 40% des Français se disent satisfaits - une hausse de 21% en une semaine. Ce qui lui nuisait comme leader politique - son caractère irrésolu, son incapacité de trancher - lui a servi au moment où le pays avait besoin d'un rassembleur.

En même temps, le premier ministre Manuel Valls, qui a impeccablement géré la crise, voit son taux de satisfaction bondir de 17 points.

Cette embellie pourrait toutefois être de courte durée, car le même sondage indique que les Français, romantiques mais lucides, font bien la distinction entre la gestion de cette crise exceptionnelle et la gestion de l'État. Ainsi, seulement 23% (comparativement à 14% le mois dernier) souhaitent la réélection de M. Hollande.

À l'horreur et à l'exaltation a succédé une période d'abattement. Était-ce la peur, ou la nécessité de digérer l'immense choc? Les Parisiens sont peu sortis, boudant même les soldes de janvier (les commerçants font état d'une baisse d'activité de 70%!).

Par contre, la vente d'antidépresseurs est en hausse, alors que les Français en étaient déjà les plus grands consommateurs au monde (le comédien Fabrice Luchini disait récemment, comme si c'était parfaitement normal, «vivre sous séroplex», un produit qu'on prescrit pour des dépressions profondes).

Mais bien sûr, après cette parenthèse à la fois tragique et enchantée, la vraie vie reprendra ses droits...