Quels seront les effets des deux attentats de cette semaine sur l'image des chefs de parti, en cette année préélectorale?

S'il ne se produit pas d'autres événements du même genre, les gens auront tôt fait de retourner à leurs préoccupations ordinaires, et le souvenir de ces tragédies n'affectera guère la position des partis politiques fédéraux.

Par contre, si l'on assistait à plusieurs autres actes terroristes, la peur et l'indignation pourraient avoir un impact déterminant, et les conservateurs de Stephen Harper en sortiraient gagnants, dans la mesure où il s'agit du seul parti identifié à la loi et l'ordre.

Tel est le réflexe de toutes les sociétés qui se sentent menacées: on se rabat alors sur le leader que l'on croit le mieux capable de vous protéger et on demande davantage de mesures de sécurité, sans trop s'inquiéter des droits qu'elles pourraient brimer.

À l'inverse, certains pourraient faire grief à la police et au gouvernement d'avoir été trop laxistes (par exemple, en laissant courir sans surveillance des gens déjà fichés comme Couture-Rouleau et Zehaf Bibeau et en s'abstenant de renforcer la sécurité autour du parlement), mais contrairement aux États-Unis où sévit le Tea Party, il n'y a pas, au Canada, un parti d'extrême droite susceptible de canaliser cette colère. Le Parti conservateur ne se trouvera donc pas contesté sur son flanc droit.

M. Harper n'est pas une personnalité populaire. En temps normal, on lui reproche de manquer d'empathie, de sens des nuances, d'intelligence émotionnelle et de finesse diplomatique. Mais il projette une image de force, de stabilité et de solidité, un atout dont ne bénéficiera aucun de ses deux principaux adversaires.

On n'avait qu'à voir Justin Trudeau, dimanche dernier à TLMP. Aux questions sur la politique internationale du gouvernement Harper ou la sécurité nationale, le charmant jeune chef était incapable de fournir des réponses le moindrement étoffées.

Il fallait voir la mine furieuse de Jean-François Lépine pendant l'interview de M. Trudeau. L'ancien journaliste politique avait ouvert le bal par une forte diatribe contre la politique étrangère du gouvernement Harper, mais M. Trudeau a été incapable de saisir la grosse perche que lui tendait Lépine.

Dépourvu d'arguments rationnels et documentés, il se contentait de dire, par exemple, que les diplomates canadiens étaient malheureux (c'est vrai, mais un peu court!). Il était impossible d'extirper de ses réflexions enchevêtrées quelque chose qui ressemblât à une conviction ferme ou à une ligne directrice déterminée.

Au chapitre de la sécurité nationale, il a balbutié qu'on ne pouvait priver un individu de son passeport sous peine d'en faire un citoyen «de seconde classe», pour se contredire quelques minutes plus tard. (L'interview a été fait avant l'attentat de Saint-Jean-sur-Richelieu.)

Justin Trudeau est déjà lourdement handicapé par son image de mollesse et d'immaturité. Si la vague d'attentats terroristes devait s'amplifier, ce handicap ne fera que s'accroître et déteindra sur la «marque» libérale.

Le cas de Thomas Mulcair est bien différent. L'homme a une colonne vertébrale, il a de la maturité et des convictions qu'il sait exprimer rationnellement, quoiqu'on ait pu lui reprocher son parcours politique en zigzag et des sorties bizarres (comme lorsqu'il avait mis en doute la parole du président Obama concernant l'existence de photos du cadavre d'Ousama ben Laden).

Dans un contexte de peur du terrorisme, c'est plutôt la réputation du NPD, avec son pacifisme inconditionnel et son côté politically correct, qui nuirait à la crédibilité de M. Mulcair. Par contre, le NPD pourrait voir grossir sa clientèle, en attirant automatiquement tous ceux qui croient que le Canada serait à l'abri du terrorisme si le gouvernement ne l'avait pas entraîné dans une coalition militaire dirigée par les États-Unis.