La crise du virus Ebola, qui est en train de décimer des pays comme le Liberia et la Sierra Leone, illustre de manière dramatique la pénurie de professionnels de la santé dans les pays sous-développés - et aussi, et surtout, l'impérieuse nécessité d'aider leurs universités à former sur place davantage de médecins et d'infirmières.

Cela signifie que le monde développé doit cesser d'encourager la fuite des cerveaux qui a tant affaibli les pays les plus pauvres au profit des pays riches.

Au Liberia, un pays encore beaucoup plus démuni qu'Haïti, on compte un médecin pour 100 000 habitants (au Canada, le ratio est de 215 médecins pour 100 000 habitants). Il y a plus de médecins d'origine éthiopienne à New York qu'en Éthiopie ! Que se passe-t-il lorsque survient une épidémie telle que l'Ebola ? Ces pays, déjà incapables de subvenir à leurs besoins médicaux en temps normal, sont à la merci de l'aide professionnelle étrangère.

Hélas, dans ce cas-ci, le virus est si dangereux et sa propagation si rapide que les humanitaires de la santé hésitent à mettre leur vie en danger ; des organisations comme Médecins sans frontières voient se réduire le nombre de bénévoles sur lesquels elles peuvent compter habituellement. Sans compter que les zones les plus affectées sont à toutes fins utiles impossibles d'accès.

Si le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée avaient davantage de médecins et d'infirmières autochtones, il va de soi que la situation serait un peu moins désespérée. Et ces derniers seraient bien mieux placés que les professionnels étrangers, qui ignorent les dialectes et la culture locale, pour amener les malades et leurs familles à accepter des méthodes de traitement rebutantes qui rompent avec les habitudes ancestrales. (À titre d'exemple, le Liberia compte dix groupes ethniques avec chacun son langage).

Les universités et les diverses agences d'aide au développement international des pays riches (dont le nôtre) sont en partie responsables de cet état des choses, car elles s'activent à faire venir les étudiants des pays sous-développés ici, plutôt que de tout mettre en oeuvre pour les former dans leur propre pays.

Or, un jeune Libérien qui fait ses études de médecine à Montréal aura tout naturellement tendance à rester en Amérique plutôt que de retourner servir les siens à l'intérieur d'établissements plus précaires et moins bien équipés. S'il étudie dans une université de son pays, il sera plus porté à y rester.

Il va de soi que ces jeunes devraient être libres de faire leur vie où ils le veulent, mais les pays développés ne devraient pas tout faire pour les encourager à quitter leur pays.

Or, nos universités sont à la chasse des meilleurs cerveaux du tiers-monde, parce que cela accroît la diversité de leur clientèle (de même que leurs subventions). En même temps, les fondations privées et les agences de développement, comme l'ACDI, refusent d'aider les universités du tiers-monde, et préfèrent subventionner l'enseignement primaire et des missions comme la santé maternelle... au mépris du fait que ce sont dans les universités que l'on forme les instituteurs et les professionnels de la santé.

Cette vision à courte vue prive les pays sous-développés des talents dont ils auront besoin pour leur développement et les rend encore plus vulnérables quand survient une épidémie comme Ebola.

Tous les pays du tiers-monde ont des universités, mais la plupart ont besoin de l'expertise des institutions des pays développés. Il s'agit d'y envoyer non pas de l'argent, non pas de l'équipement (cela ne ferait qu'alimenter la corruption qui sévit dans plusieurs endroits), mais des spécialistes dans divers domaines, pour les aider à améliorer la qualité de leur enseignement... et à former - et à garder - leurs propres élites.