Ce n'est pas moi, ce sont les autres... Interviewé à 60 minutes, Barack Obama a montré du doigt les responsables de l'inextricable situation dans laquelle il se trouve, devant la montée de l'organisation État islamique.

Coupables: le gouvernement irakien et les services de renseignements américains. Bref, tout le monde sauf lui-même. Ne dit-on pas, pourtant, que les vrais chefs sont ceux pour qui «the buck stops here», qui ont le courage d'endosser la responsabilité ultime des erreurs de leurs subalternes?

Selon M. Obama, l'Irak que les États-Unis ont détruit en 2003 était devenu, en 2011, «une démocratie intacte dotée d'une armée bien équipée», atouts que le gouvernement al-Maliki aurait dilapidés pour «consolider sa base chiite».

L'analyse est bien courte. La démocratie imposée par les Américains à l'Irak reposait sur le pouvoir de la majorité - celle des chiites en l'occurrence - au mépris du fait que les clans religieux constituent la principale ligne de démarcation au Proche-Orient. Seul un gouvernement de coalition aurait pu - peut-être - empêcher les militaires sunnites démoralisés de baisser les armes devant leurs coreligionnaires du groupe EI.

Or, la responsabilité du président américain est de taille: n'est-ce pas lui qui a laissé l'Irak aux mains d'un gouvernement incompétent et corrompu en rapatriant les troupes et les conseillers américains en 2011?

Quant à son incapacité à prévoir ce qui allait se passer en Syrie, M. Obama en impute la faute aux services de renseignements américains, qui auraient, comme leur directeur l'a récemment admis, «sous-estimé l'importance de ce qui se passait en Syrie». Cet étrange aveu jette un doute inquiétant sur la compétence de ces services, car qui donc pouvait ignorer que la Syrie était depuis trois ans le lieu de tous les dangers?

On se demande pourquoi le président semble s'absoudre de toute responsabilité. Ces services de renseignements ne sont-ils pas sous son autorité? N'a-t-il pas lui-même, il y a moins d'un an, qualifié les djihadistes du groupe EI de bande d'amateurs? Et le président lui-même n'est-il pas entouré d'un groupe de conseillers qui auraient dû le renseigner sur la situation syrienne?

Hélas, M. Obama est successivement allé chercher, pour le conseiller en ces matières délicates, Samantha Power, aujourd'hui ambassadrice à l'ONU, et Susan Rice, aujourd'hui conseillère pour la sécurité nationale, deux universitaires engagées dans l'humanitaire pour qui la «realpolitik» semble une notion étrangère et dont le principal titre de gloire est d'avoir été les principales instigatrices de la catastrophique intervention en Libye.

M. Obama oublie commodément ses propres tergiversations à propos de la Syrie. Son appui au groupe de «losers» de l'Armée syrienne libre dont tout le monde savait qu'ils se faisaient supplanter par les fanatiques du Front al-Nosra et du groupe de l'État islamique, sa valse-hésitation et ses menaces vides à l'endroit du régime de Bachar al-Assad... dont il s'obstine à réclamer le renversement, alors que ce gouvernement est le seul rempart contre la montée des djihadistes.

On a l'impression que Barack Obama, malgré sa bonne volonté évidente, est le jouet des circonstances, à l'instar d'ailleurs des autres chefs d'État impliqués dans cet engrenage militaire dont on ignore quels démons il engendrera.

MM. Obama, Cameron et Hollande sont tous partis en guerre sans réflexion, en réponse aux décapitations dont leurs concitoyens ont été victimes. N'était-ce pas exactement ce que voulaient les djihadistes? Leurs macabres mises en scène auraient-elles été une provocation délibérée, destinée à forcer les puissances occidentales à s'engager dans une guerre dont les djihadistes comptent tirer profit? Autant de questions sans réponses, mais fort troublantes.