Le Danemark a été le seul pays, avec la France et la Grande-Bretagne, à élire au Parlement européen une majorité d'europhobes hostiles à l'immigration musulmane et rom.

Le Danemark? Ce gentil petit pays égalitaire et progressiste qui fait l'admiration des amants de la nature et du vélo? Le Danemark qui, sous l'occupation nazie, a protégé ses Juifs mieux que n'importe quel autre pays européen?

Des 7800 Juifs danois, seulement 425 ont été déportés. Les résistants ont fait passer des Juifs en Suède, les cliniques médicales ont changé les noms juifs dans leurs registres pour des noms aryens. Dans un geste d'éclat dont l'humanité se souvient encore, le roi Christian X a averti les Allemands qu'il serait le premier à porter l'étoile jaune si l'occupant forçait les Juifs à le faire.

Mais, depuis ces temps héroïques, le pays a perdu ses réflexes d'accueil. Dès le début du XXIe siècle, l'opposition d'extrême droite, le Parti populaire danois, n'a cessé de faire des gains, jusqu'à détenir aujourd'hui 12% des sièges au Parlement national.

Comme le Front national en France, le PPD prend des votes à la gauche social-démocrate autant qu'à la droite traditionnelle. Propulsé par des sondages qui montraient un fort appui à ses vues, de même que par une presse à sensation qui n'en finit plus d'exposer les méfaits des enfants d'immigrés, il a réussi à forcer le gouvernement de coalition au pouvoir à Copenhague à durcir ses politiques d'immigration.

Le Danemark s'est donné les lois les plus restrictives d'Europe en matière de réunification familiale. On établit des critères sévères sur l'âge, l'adaptabilité au pays, et ceux qui réussissent à passer à travers la grille sont privés, une fois sur place, d'avantages sociaux pour des périodes pouvant aller jusqu'à sept ans.

Quant à l'accueil des réfugiés, le Danemark est, de tous les pays développés, celui qui s'est mérité la plus mauvaise note des Nations unies. Tous les pays prospères doivent en effet accepter un certain nombre de réfugiés, au prorata de leur population. Dans le cas du Danemark (moins de six millions d'habitants), ce «quota» est fixé à 500. Mais le Danemark fait le tri: seuls les réfugiés pouvant prouver qu'ils peuvent «contribuer à la société danoise» sont acceptés...

On voit d'ici la barrière qui se dresse devant les réfugiés syriens, afghans ou soudanais - des gens qui, bien évidemment, ne parlent pas danois et dont les preuves de scolarité ont disparu dans la tourmente. Par définition, les réfugiés, contrairement aux immigrants sélectionnés, ne «contribuent» pas au pays d'accueil. Leurs enfants le feront, certes, et eux-mêmes peut-être aussi, une fois passées les premières années d'adaptation. L'accueil des réfugiés est une question de générosité internationale, pas une affaire de rentabilité économique!

C'est à Copenhague qu'a éclaté, en 2005, le fameux scandale des caricatures de Mahomet. Même les plus fervents défenseurs de la liberté de la presse ne pourront s'empêcher d'y voir une provocation délibérée, dans le contexte d'une montée du ressentiment populaire contre les immigrés musulmans. Le raidissement de la population est tel que le premier ministre de l'époque, Anders Fogh Rasmussen (pourtant connu pour ses talents de diplomate), a refusé de rencontrer les ambassadeurs des pays musulmans qui requéraient un entretien qui ne l'aurait pourtant engagé à rien.

Il va de soi que l'immigration musulmane actuelle n'a guère en commun avec la minorité juive qu'une bonne partie du peuple danois a naguère sauvée du désastre. Mais comment expliquer que l'islamophobie, au Danemark, soit tellement plus forte que dans des pays comparables de l'Europe de l'Ouest?

Je reviendrai sur le sujet vendredi, dans ma prochaine chronique.