Les médias ont toujours été fascinés par le Parti québécois. Ce qui se passe actuellement en offre une illustration frappante.

Le PQ est, selon Léger Marketing, au troisième rang dans la faveur populaire, en plus d'être déserté par les moins de 45 ans. Cela changera peut-être à l'avenir, mais pour l'instant le PQ a peu d'importance sur la scène politique. Or, les médias n'en ont que pour lui: ses dissensions, ses déboires, ses états d'âme, ses aspirants au leadership, ses réunions et ses caucus, ses chances de vendre (ou non) son option...

Je dirais qu'à l'oeil et à l'ouïe, au moins les trois-quarts des informations et des analyses politiques, depuis l'élection du 7 avril, portent sur le PQ. (Précision: je m'inclus dans le groupe, ayant moi aussi beaucoup plus longuement disserté sur le PQ que sur les autres partis).

Ces informations ne sont pas toujours positives, loin s'en faut: si le PQ est tombé de six points en un mois, selon Léger Marketing, c'est en bonne partie parce que ses vedettes n'en finissent pas de se dénigrer mutuellement et d'étaler leurs querelles internes sur la place publique.

Bien sûr, on parle des libéraux. C'est inévitable, puisqu'ils sont au pouvoir et que le gouvernement annonce de temps à autre des décisions dont il faut bien rendre compte. Mais, à part un portrait de la ministre de la Culture dans la section Arts de La Presse, je n'ai pas vu beaucoup d'encre couler au sujet des nouveaux ministres. Le Devoir a longuement interviewé l'ancienne ministre Martine Ouellet sur sa position sur l'éolien, mais on sait à peine qui est le nouveau ministre des Ressources naturelles (c'est Pierre Arcand, pour ceux qui l'ignoreraient).

Quand parle-t-on de la Coalition avenir Québec? À peu près jamais. La CAQ est pourtant le parti qui monte, celui qui aujourd'hui dépasse le PQ de huit points dans l'opinion publique et qui, affirme le sondeur Jean-Marc Léger, formerait l'opposition officielle si la campagne avait duré une semaine de plus. Mais c'est comme si la CAQ n'existait plus, reporters et commentateurs s'agglutinant au chevet du PQ...

Ce phénomène ne s'explique pas par un parti-pris politique. Il est d'ailleurs le fait des collègues anglophones aussi bien que des journalistes francophones. Il tient à des parentés d'ordre sociologique, le PQ étant un parti de communicateurs, d'enseignants... et de journalistes.

Ce parti, né de ce que les Anglais appellent les «chattering classes» - ceux qui parlent, écrivent, occupent les ondes et l'espace public - attire les journalistes parce qu'il leur ressemble, et parce qu'il discute en priorité de questions qui, tout naturellement, intéressent les reporters et les chroniqueurs. Ces derniers, comme bien des péquistes, ont une formation en lettres ou en sciences sociales. D'où leur intérêt spontané pour les thèmes favoris du PQ: langue, souveraineté, identité, enjeux sociaux...

Le PLQ et la CAQ accordent plus d'importance aux questions économiques... lesquelles ne sont pas la tasse de thé de la plupart des journalistes qui couvrent la politique. Pour la moyenne des scribes, la souveraineté, qu'on soit pour ou contre, est une question drôlement plus excitante que les compressions budgétaires!

Les péquistes fournissent aux médias de la «bonne copie», parce qu'ils s'épanchent volontiers en public, alors que les libéraux et les caquistes, qui viennent surtout des milieux d'affaires ou des professions libérales, sont moins portés à faire confiance aux journalistes.

Le PQ, bon an mal an, produit des psychodrames, des débats d'idées, des crises internes et des projets spectaculaires - du miel pour les médias! C'est plus facile à expliquer et à illustrer que les discours complexes et bourrés de chiffres sur les finances publiques!