«On est en affaires!», s'exclame le maire Coderre. Et le ministre des Affaires municipales Pierre Moreau de renchérir: jamais, dit-il, il n'a vu de directive aussi claire venant d'un premier ministre (Philippe Couillard, en l'occurrence) concernant l'octroi d'un statut spécial à Montréal et à la capitale.

On nous permettra un brin de scepticisme, quoique la volonté gouvernementale ne semble pas faire de doute.

La reconnaissance de Montréal comme métropole dotée d'une certaine autonomie, enfin dégagée du carcan imposé par une bureaucratie qui l'a toujours considérée comme une région comme une autre - la région 06! - , est un dossier ancien et jalonné d'échecs.

En janvier 1996, Lucien Bouchard crée un ministère de la Métropole qu'il confie à Serge Ménard. Mais c'est un ministère «horizontal» pour lequel il ne jouira d'aucun pouvoir particulier. Il est muté un an et demi plus tard, non sans que les députés des régions, jaloux du fait que Montréal ait «son» ministère, aient réussi à faire contrepoids en obtenant un ministère «des Régions».

En 1998, Lucien Bouchard nomme Louise Harel aux Affaires municipales, en lui confiant accessoirement un ministère d'État «à la Métropole». Le rapport du ministère pour l'année 98-99 ne relate qu'une décision concernant spécifiquement Montréal, soit l'octroi d'une aide financière à la Société Marie-Victorin.

En 2003, Jean Charest arrive au pouvoir. Montréal, toute libérale soit-elle, n'en retire aucun bénéfice. Le fiasco des défusions, qui lègue à Montréal une administration bancale et dysfonctionnelle, sera suivi d'une royale indifférence. Le gouvernement Charest se concentre sur les régions, là où il espère gagner des votes.

Sous le PQ, la métropole est confiée à Jean-François Lisée, qui hérite aussi des responsabilités beaucoup plus accaparantes des Relations internationales et du Commerce international. Réflexions brillantes, jolis discours, rien de concret.

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne? Les astres semblent en tout cas mieux alignés.

Le premier ministre a fait acte d'allégeance aux «régions» en se présentant dans la circonscription de Roberval. Il devrait pouvoir s'occuper de la métropole sans déclencher un tollé dans le Québec profond1.

Montréal a enfin un maire qui bouge, et qui a eu l'intelligence politique de se faire des alliés à la mairie de Québec autant que dans la banlieue. Même si M. Coderre a rompu avec la politique fédérale, M. Couillard et lui ont tout de même, comme libéraux, des atomes crochus. Cela devrait faciliter les rapports.

Enfin, le nouveau ministre Pierre Moreau est un homme d'action, un spécialiste du droit municipal, qui jouit en plus du prestige alloué aux anciens aspirants au leadership. (Il est arrivé deuxième dans la course, devant Raymond Bachand qui était pourtant beaucoup plus connu).

Une inquiétude: dans son interview à La Presse, le ministre a parlé de compétences comme l'immigration et la culture, mais il y a bien d'autres domaines, la santé et les transports, par exemple, où Montréal connaît des réalités tout à fait spécifiques. Le transfert de compétences devrait être élargi.

Plusieurs lecteurs m'ont vivement reproché l'utilisation du terme «Québec profond» pour désigner le territoire hors de Montréal et de Québec. Je ne trouve pas ce qualificatif péjoratif, bien au contraire: «profond» ne veut pas dire «creux» ! Le concept de profondeur évoque l'étendue, la solidité, le terroir, la durabilité, l'envers de la superficialité. «Les régions», c'est un terme générique qui ne veut rien dire et qui s'applique autant à Montréal qu'au Saguenay. Quelqu'un aurait-il des solutions de rechange? Préfèrerait-on «la province» comme on dit en France? «L'arrière-pays» ? «Le Québec pure laine» ? Des idées SVP.