Difficile d'imaginer quelle sorte de premier ministre sera Philippe Couillard. L'homme est secret, énigmatique, évasif - «un ours», dit-on dans son entourage -, et nul ne sait quand on aura l'impression de le connaître, comme on connaissait Robert Bourassa ou Jean Charest.

Il n'y a pas eu de «couillardomanie». Les électeurs voulaient se défaire du PQ et ont voté pour l'unique solution de rechange crédible, encore qu'il faille aussi, évidemment, donner à M. Couillard une bonne partie du crédit de cette victoire. Sa performance a été bien meilleure que ce à quoi l'on s'attendait, compte tenu de ses débuts vacillants comme leader du PLQ.

Il a toujours gardé son calme, au risque de paraître flegmatique - et c'est peut-être justement ce qui a plu à l'électorat, qui avait assez souffert des psychodrames que lui avait infligés le gouvernement Marois, avec sa charte de toutes les divisions et ses brusques changements de cap sur la fiscalité et l'économie, qui instauraient un climat d'instabilité perpétuelle.

L'image avunculaire du bon docteur patient et à l'écoute a marché à fond. M. Couillard a démontré une froide détermination en allant se présenter dans Roberval, une circonscription qui était loin de lui être acquise. Cela lui permettra de se présenter comme un «vrai Québécois» aux yeux de ceux, hélas nombreux, qui croient que le seul vrai Québec est en dehors de Montréal et que le PLQ est «le parti des Anglais» parce que sa clientèle n'est pas limitée, comme celle du PQ, aux francophones de vieille souche.

La plate-forme libérale, axée sur le refus du référendum, était assez mince, en tout cas prévisible. Le PLQ n'a pas fondamentalement changé et il n'y a pas guère d'imprévu à l'horizon. La seule grande inconnue est la politique constitutionnelle qu'adoptera le futur gouvernement Couillard.

Depuis son accession à la tête du PLQ, l'homme a lancé des signaux contradictoires. Encore tout récemment, au beau milieu de la campagne, il a sorti de son chapeau un projet incongru et suicidaire.

Sitôt élu, disait-il, il fera la tournée de ses homologues pour faire la promotion de l'accord du lac Meech! Cette incroyable bévue n'a pas trop fait de vagues parce qu'il s'est vite repris, mais l'on se demande ce qui a bien pu lui passer par la tête - et à quelles influences néfastes il a été soumis - pour qu'il envisage sérieusement un projet aussi farfelu que celui-là.

Il faut dire que l'obsession constitutionnelle reste fort répandue dans la classe politique, malgré le fait, aveuglant par son évidence, que le Canada anglais a définitivement fermé la porte à une révision constitutionnelle sur la base des «demandes traditionnelles» du Québec.

Durant la campagne, François Legault y est allé lui aussi de son grain de sel en se vantant de pouvoir convaincre le premier ministre Harper de déverser un tombereau de nouvelles compétences sur le Québec - un autre projet fumeux, et qui, si jamais il se réalisait (ce qui est totalement improbable) serait au détriment des citoyens québécois. Hélas, la mentalité du rapport Allaire, ce document intellectuellement indigent et politiquement inepte, semble encore vivante à la CAQ...

On ne le répètera jamais assez: il n'y a que deux options réalistes et honorables pour le Québec. Soit il opte pour l'indépendance pleine et entière, soit il assume la place qui lui revient au sein du Canada tel qu'il est, sachant que dans une fédération, les rapports de force changent continuellement et que le Québec a tous les atouts en mains pour participer pleinement à l'évolution du pays.