Certes, les grandes idées ne meurent jamais, comme le dit à propos de la souveraineté Philippe Couillard, qui a eu l'élégance de s'abstenir d'humilier les vaincus.

Oui, on peut toujours, par exemple, imaginer qu'un jour, le socialisme renaîtra comme idéologie dominante en France après que le président Hollande l'aura remplacé par la social-démocratie (le nouveau premier ministre Valls étant plutôt, quant à lui, un «social-libéral»... qui souhaite même changer le nom du PS!).

Le socialisme est en déclin partout en Europe de l'Ouest, où tous les partis socialistes ont fait leur aggiornamento (les socialistes français sont les derniers à se livrer à cet exercice difficile), à la suite de l'effondrement des partis communistes, naguère si puissants à Paris comme à Rome.

Ces grandes idées sont-elles à jamais disparues? Peut-être pas, mais disons que leur renaissance est fort douteuse. Le monde a changé...

Le même raisonnement, mutatis mutandis, s'applique à l'idée d'indépendance. Elle n'est peut-être pas morte à jamais, mais pour l'instant, force est de constater qu'elle a fait son temps, comme le reconnaissent ces indépendantistes de la première heure que sont Louise Beaudoin et Gérard Bouchard.

On aurait tort, cependant, de comparer le désenchantement actuel des jeunes générations à un «âge d'or» indépendantiste qui aurait supposément existé dans les années 60 et 70.

L'idée d'indépendance, stratégiquement rebaptisée «souveraineté», n'a jamais attiré qu'une minorité. Même s'il a su harnacher la ferveur militante des indépendantistes, René Lévesque (contrairement à Jacques Parizeau) n'en a jamais fait partie. Par conviction intime plus encore que par nécessité tactique, il ne concevait la «souveraineté» qu'organiquement liée à l'«association» avec le Canada, et abhorrait la perspective d'une rupture.

La majorité des Québécois n'a jamais voulu, non plus, d'un référendum. Ceux de 1980 et de 1995 lui ont été imposés d'autorité. Même avec une question confuse et lénifiante, celui de 1980 a été battu à plate couture.

Si le camp du Oui a failli gagner en 1995, ce fut grâce à la présence d'un Lucien Bouchard alors adulé, et surtout grâce à une autre de ces questions alambiquées dont le PQ a toujours eu le secret - une question qui laissait (faussement) croire aux gens que cette «souveraineté» s'accompagnerait d'un partenariat qui leur laisserait tous les attributs de la nationalité canadienne.

Ce qui a changé au cours des années, c'est que l'idéal indépendantiste a perdu sa capacité de mobilisation, que la minorité qui y croit encore a perdu la flamme (l'âge aidant), et surtout que les jeunes sont depuis très longtemps passés à autre chose.

Nos fameux carrés rouges, dans lesquels le PQ voyait à tort une plantation de futurs militants, n'ont fait qu'instrumentaliser le PQ dans leur lutte corporatiste contre l'augmentation des droits de scolarité, et sont vite retournés à leurs affaires après avoir obtenu ce qu'ils voulaient.

Le rejet catégorique de la souveraineté, tel qu'exprimé par la débandade de lundi, n'a donc rien de nouveau. C'est une même tendance qui se poursuit, la même réticence profonde qui s'exprime comme elle s'est toujours exprimée, mais cette fois-ci avec plus de brutalité.

Chaque fois que le PQ a réussi à se faire réélire, ce fut en cachant son objectif premier durant toute la campagne. Tous les sondages depuis les années 80 ont montré que la majorité n'a jamais voulu d'un référendum... Ce qui était bien la preuve qu'on ne voulait pas de la souveraineté, le référendum étant, à part la lutte armée, l'unique moyen d'y parvenir!

Simplement, on s'opposait au référendum pour ne pas avouer son opposition à l'option «politiquement correcte» de la souveraineté.

À samedi, pour la suite de ces réflexions.