Ce n'est pas de l'âgisme que le remarquer: les personnalités politiques qui se sont réjouies le plus ardemment de l'arrivée de Pierre Karl Péladeau, vu comme le sauveur de l'option souverainiste, avaient bien souvent plus de 65 ans.

Parallèlement aux envolées lyriques d'un Victor Lévy-Beaulieu à barbe blanche, un groupe de sexagénaires, de septuagénaires et d'octogénaires incluant notamment Jacques Parizeau, Lise Payette, Gérald Larose, Jean-Paul L'Allier, Jean Garon et Gilles Duceppe ont publié une lettre appuyant l'intention de PKP de conserver ses actions dans son empire de presse, au mépris de ce que d'aucuns voient comme un extraordinaire conflit d'intérêts.

Loin de moi l'idée de nier aux vétérans le droit de se prononcer - je serais bien mal placée pour le faire, appartenant à leur génération! -, mais il reste significatif que ce soient des retraités qui ont applaudi le plus fort à l'arrivée de cet homme qui incarne à leurs yeux la «dernière chance» du projet indépendantiste.

Certains, venus comme Louise Harel et Marc Laviolette de la gauche du PQ, sont même allés jusqu'à ravaler leurs réticences face à ce baron de presse qui a incarné le capitalisme à l'américaine dans ce qu'il a de plus brutal. La «cause» avant tout...

Cela met en relief le fait que l'option souverainiste est fondamentalement un projet lancé par des «pré-boomers» (les fondateurs du RIN et du PQ étaient nés avant la Guerre). Ce projet a vite été repris par les premières cohortes des «boomers» nés après 1945 - la génération la plus nombreuse de l'histoire... la force du nombre expliquant en partie pourquoi l'idéal souverainiste a eu un tel impact sur la vie intellectuelle et politique du Québec.

Le flambeau ne s'est pas transmis. Dans La Presse de mercredi, Claire Durand, spécialiste des sondages de l'Université de Montréal, démontrait que «l'appui à la souveraineté est actuellement moins élevé qu'à l'aube des référendums de 1980 et 1995, la différence majeure venant du fait que la souveraineté n'est plus portée par les jeunes ou les plus scolarisés».

En 1980, l'appui à la souveraineté était à plus de 60% chez les francophones de moins de 35 ans. En 1995, il était à plus de 60% chez les francophones de moins de 55 ans. Pour ce qui est de la scolarité, elle joue maintenant seulement chez les plus de 55 ans, la jeunesse instruite n'étant plus attirée par l'option souverainiste.

Les vétérans de la lutte souverainiste connaissent ces chiffres. D'où une angoisse bien compréhensible devant le temps qui passe, la désaffection des jeunes, l'afflux d'immigrants qui n'adhéreront jamais à ce projet essentiellement «canadien-français»... d'où leur hâte de tenir au plus vite un référendum, quitte à ce que les «conditions gagnantes» ne soient pas réunies.

Or, PKP est justement l'homme qui incarne cette stratégie volontariste, axée sur l'audace, voire la témérité, plutôt que sur le calcul.

On miserait sur l'absence de défenseurs éloquents de l'unité canadienne: Harper est impopulaire, Trudeau fils est un poids léger, Mulcair est l'otage de députés qui ont des sympathies indépendantistes, Jean Charest et Jean Chrétien ont déjà donné, et Brian Mulroney est au service de Québecor, dont il est vice-président du conseil... Il ne resterait sur le pont que Denis Coderre, qui veut évidemment se concentrer sur la mairie, et Philippe Couillard, dont on ne sait pas encore s'il a le coffre nécessaire pour tenir tout seul le fort fédéraliste.

En revanche, les souverainistes pressés feront face à un obstacle qui n'existait pas en 1980 et en 1995: la question référendaire devra être «claire»... On en reparle la semaine prochaine.