C'est avec une singulière obstination que Philippe Couillard cultive l'art de se mettre les pieds dans le plat. Même lorsque le vent tourne en sa faveur, il s'arrange pour retomber dans le pétrin!

La semaine dernière, le PLQ recevait un cadeau inespéré. L'apparition de PKP, d'abord vue comme un atout pour Mme Marois, allait au contraire briser l'élan du PQ, comme le confirme le sondage CROP publié aujourd'hui.

L'image du magnat de la presse, avec sa profession de foi indépendantiste enfiévrée, ponctuée d'un geste tout droit sorti des années 60 (c'est Bourgault, non pas Lévesque, qui levait le poing pour sonner l'heure de la révolte), cette image, donc, a fait voler en éclat la stratégie prudente de Mme Marois, qui entendait mettre la souveraineté sous le boisseau, comme l'ont d'ailleurs fait tous les chefs souverainistes en campagne électorale.

Devant cette tournure imprévue des choses, le politicien le moindrement allumé se serait contenté de laisser son adversaire se dépêtrer dans les remous provoqués par son encombrante recrue vedette.

Or, que fait le chef libéral? Il plonge tête première dans le piège constitutionnel et proclame que son premier geste, une fois au pouvoir, sera de faire la tournée du Canada anglais pour plaider en faveur de l'inclusion de la spécificité du Québec dans la Constitution!

Mme Marois, trop heureuse de voir son adversaire se saisir de la patate chaude, ne tarde pas à réagir: lui aussi devrait faire un référendum sur une hypothétique entente... mais déjà, le chef libéral a battu en retraite, comme il l'a fait plusieurs fois à propos du dossier constitutionnel et de la Charte des valeurs.

Une journée ne s'était pas écoulée qu'il s'empressait de renier cet engagement solennel qu'il considérait la veille comme un «devoir» ! Il ne parlerait constitution que si ses interlocuteurs en prenaient l'initiative. Dimanche, il allait plus loin: la Constitution n'est pas un sujet prioritaire! Rarement aura-t-on vu une volte-face aussi abrupte en si peu de temps!

Le PLQ s'est donné, lors de son conseil national de novembre, une vague position constitutionnelle: le Québec ne participerait à une discussion en vue de réformer la Constitution (par exemple sur le Sénat) que si les principes de l'accord du lac Meech étaient à l'ordre du jour.

On ne regrettera pas de voir cette idée bancale jetée aux orties, quoiqu'à la lumière du passé, il n'est pas exclu que dans un avenir proche ou lointain, M. Couillard change encore une fois son fusil d'épaule.

S'il y a une chose dont le Québec n'a pas besoin, c'est de revivre les épisodes débilitants de Meech et de Charlottetown. Quel projet déshonorant que celui d'aller quêter une reconnaissance (toute symbolique) dont le reste du Canada ne veut plus entendre parler! Cette opération suicidaire n'engendrerait que du ressentiment et de l'amertume.

Hélas, dans leur besoin maladif de se donner un petit vernis nationaliste, les libéraux n'ont rien trouvé de plus brillant que d'extirper des coffres moisis du gouvernement Bourassa un document qui date de 27 ans, qui ne soulève que de mauvais souvenirs... et dont la plupart des gens seraient incapables de définir le contenu!

Il n'y a que deux options possibles.

Le statu quo, un état qui n'a toutefois rien d'immuable: il fluctue non pas sur papier, mais de façon pragmatique, selon les orientations des gouvernements (ainsi, les conservateurs sont plus respectueux des compétences provinciales que les libéraux fédéraux).

Et l'indépendance, une option plus problématique, mais honorable, en tout cas moins irréaliste que la recherche d'un impossible consensus constitutionnel autour d'une formule désuète qui, dans le contexte du XXIe siècle, n'est qu'une amulette juste bonne à exciter les constitutionnalistes professionnels.