Et de quatre. L'intervention de l'ex-chef bloquiste Gilles Duceppe porte à quatre le nombre des anciens leaders souverainistes qui s'opposent à l'interdiction des signes religieux prévus dans la Charte de la laïcité.

Sitôt libéré du devoir de réserve auquel l'astreignait son rôle à la Commission sur l'assurance-emploi, M. Duceppe s'est empressé d'énoncer son opinion (elle est analogue à la recommandation de Bouchard-Taylor).

L'opposition de M. Duceppe à l'aspect coercitif de la Charte n'étonne pas, l'ancien chef bloquiste ayant toujours été un souverainiste «civique» peu porté à monter aux barricades pour défendre les symboles identitaires.

Plus significatives sont les fortes réserves de trois anciens premiers ministres péquistes, MM. Parizeau, Bouchard et Landry... auxquels il faudrait ajouter les anciens leaders péquistes restés silencieux, André Boisclair et Pierre Marc Johnson, dont on peut présumer sans l'ombre d'un doute qu'ils haïssent le noyau central de cette Charte.

Quant au grand absent, René Lévesque, ce que l'on connaît de lui laisse croire qu'il se retournerait dans sa tombe s'il savait le traitement que réserve le parti qu'il a fondé aux minorités religieuses du Québec.

L'intolérance était ce que Lévesque, un libéral jusqu'au bout des ongles, honnissait le plus. C'est même à contrecoeur, et avec des réticences avouées qu'il avait fini par donner son accord au projet de loi 101.

Bien que ses successeurs n'aient pas tous manifesté la même sensibilité aux droits des minorités, il est troublant de constater à quel point le PQ de Pauline Marois s'éloigne, sur des points fondamentaux, de l'histoire du parti.

Une autre déviation a été cette résolution d'interdire l'entrée de non-anglophones dans les cégeps anglais - une mesure à laquelle tous les chefs péquistes s'étaient opposés mordicus, incluant Mme Marois (qui avait finalement cédé aux militants).

Rompant avec son propre passé, le PQ est résolument engagé sur la voie du nationalisme identitaire, sous l'influence de Jean-François Lisée, le théoricien du «Nous», et de Mathieu Bock-Côté, le sociologue et chroniqueur qui est le penseur le plus articulé de la droite souverainiste.

Cette nouvelle orientation a deux effets majeurs: elle introduit dans la société le germe de profondes divisions, et elle compromet la réputation internationale du Québec, aux États-Unis en particulier, où ce genre d'exclusion représente un accroc aux libertés aussi incompréhensible qu'intolérable.

Advenant un vote référendaire en faveur de la souveraineté, l'interdiction des signes religieux constituerait un obstacle de taille à la reconnaissance internationale.

Certes, la France, qui a servi de modèle à cette Charte de la laïcité, applaudirait des deux mains, mais son appui ne pèserait pas lourd si les grands pays de tradition libérale n'étaient pas au rendez-vous.

C'est certainement une considération qu'un homme comme Jacques Parizeau avait à l'esprit quand il a exprimé son opposition à la Charte.

Les indépendantistes qui croient encore au Grand Soir savent qu'ils auront besoin du soutien des États-Unis et de la Grande-Bretagne pour venir à bout de l'opposition viscérale qui se manifestera au Canada contre le démantèlement du pays.

La première ministre Marois ne semble pas partager ces inquiétudes... mais c'est peut-être parce que l'objectif à court terme d'une réélection lui importe davantage que la vision du long terme.

Ou alors, autre hypothèse, les péquistes d'aujourd'hui, tout en prétendant le contraire, ont renoncé en leur for intérieur à l'espoir de voir le Québec accéder à l'indépendance. D'où l'importance de sauvegarder l'identité ethnoculturelle du Québec par tous les moyens, y compris les moins honorables, sans se soucier des répercussions négatives que cela aurait dans le reste du monde.

En ce sens, la Charte de la laïcité serait pour le mouvement indépendantiste un terrible aveu d'échec.