À moins d'un revirement imprévu, Marcel Côté sera le meilleur maire que Montréal n'aura pas eu.Il n'est peut-être pas le plus apte à défendre la cause de Montréal auprès des gouvernements (on voit mieux Denis Coderre dans ce rôle), mais son passé professionnel - une carrière très réussie d'économiste et de gestionnaire - laisse croire qu'il serait le plus compétent pour redresser l'administration montréalaise.

Malheureusement, la politique a ses propres lois. Pour gouverner, il faut se faire élire, et le doyen des candidats est à ce chapitre comme un bébé qui vient de naître, encore plus néophyte que Mélanie Joly, une femme naturellement douée pour les relations publiques, qui a l'art des «clips», de l'aplomb à tout casser et une formidable présence télégénique.

Marcel Côté est au contraire un homme de l'écrit, la preuve en étant que c'est la presse écrite, bien davantage que l'audiovisuel, qui lui rend le mieux justice. Je pense en particulier aux excellents portraits qu'en ont faits Michèle Ouimet, dans La Presse, et Benoit Aubin dans Le Journal de Montréal. Des portraits qui ont fait ressortir les qualités intrinsèques de l'homme - son sérieux, sa détermination, son désintéressement. 

Quand M. Côté prend le temps d'expliquer calmement qu'il n'a pas besoin de la mairie pour être heureux, on le croit, on le comprend. Mais il manque d'aisance verbale et la même idée, sous la pression, sortira tout croche: «Je ne ferai qu'un mandat et si je ne l'ai pas, je ne resterai pas là (à l'Hôtel de Ville) pour faire des tatas, il y a des choses aussi intéressantes que Montréal», lançait-il au Devoir lors d'une journée particulièrement difficile. 

Sous l'angle de la communication politique, une telle sortie est un désastre: ça fait snob et hautain, alors qu'en réalité, le petit gars de Malartic est un homme simple, jovial et sans prétention. 

Même désastre quand il essaie, contre sa nature, d'être «punchy». Il ne trouve ni les mots ni le style, et il dérape. D'où ces fameuses farces plates qui le hantent encore (la mafia est plus démocratique que les carrés rouges, les bas tarifs de l'électricité sont un crime contre l'humanité...). 

Quant à la bourde stupide du quidam qui a lancé les appels robotiques illégaux, il ne faut pas en exagérer l'importance. M. Côté, en tant que chef de la coalition, a fait ce que l'honneur commandait, il a endossé la faute d'un type qu'il ne connaissait même pas, et s'en est excusé. Si ce n'était du vent de puritanisme qui souffle sur la ville, cette affaire aurait déjà été oubliée.

Le quiz auquel les candidats ont répondu, dans La Presse de samedi, était très révélateur. M. Côté a été le seul à pouvoir identifier trois sièges sociaux d'importantes sociétés québécoises à Montréal. Sur la même question, Richard Bergeron, qui travaille depuis huit ans en politique municipale, s'est totalement fourvoyé, et Denis Coderre, député montréalais depuis 15 ans, s'en est à peine mieux tiré. 

Ce dernier n'a même pas su répondre aux questions concernant les employés municipaux... auxquels il s'intéresse pourtant particulièrement (il veut diminuer la sous-traitance). Il sous-estimait de 17 000$ le salaire d'un col bleu et surévaluait du double le déficit actuariel de la caisse de retraite des employés. Il surestimait même de 14 000$ le salaire d'un conseiller municipal! 

M. Coderre aurait fini dernier au quiz s'il ne s'était rattrapé par deux bonnes réponses sur le sport.

Il est vrai qu'un maire est entouré de spécialistes et qu'il n'est pas obligé de tout savoir, mais on se serait quand même attendu à mieux de la part du meneur de la course.