Les étudiants sont les grands absents du débat sur la charte. Curieux silence, de la part de ces carrés rouges qui se drapaient, l'an dernier, dans leur supériorité morale...

Non pas que les étudiants, en général, aient l'habitude de prendre position sur des enjeux de société; mais les carrés rouges ne proclamaient-ils pas, l'an dernier, le début d'un temps nouveau?

Où sont-ils aujourd'hui, alors que leurs camarades les plus vulnérables risquent d'être victimes d'une charte injuste qui fait fi de la liberté de conscience - et de la liberté tout court? Ne sont-ils pas censés représenter une génération nouvelle, produit des écoles multiculturelles et multiconfessionnelles?

Tant qu'à imiter la France (c'est le cas des partisans de la laïcité radicale), pourquoi ne pas l'imiter dans ses plus généreuses impulsions? Quand verrons-nous des étudiants montréalais défiler dans la rue en clamant «Touche pas à mon pote», l'inoubliable slogan qui a accompagné, en France, la naissance de SOS Racisme? 

Faudrait-il croire que nos carrés rouges, derrière leurs grandiloquents appels à la solidarité, ne luttaient au fond que pour leurs propres petits avantages pécuniaires?

Changement de sujet, mais on reste sur la charte.

Avec la prise de position de l'association qui regroupe les hôpitaux et les centres de services sociaux (l'AQESSS), la boucle est bouclée: partout où se trouve un nombre substantiel de travailleurs issus de l'immigration ou de minorités religieuses, on demande au gouvernement d'abandonner son intention d'interdire les signes religieux dans le secteur public.

Ce fut le cas de la Fédération qui regroupe les enseignants de la région montréalaise, des municipalités de la métropole, des universités qui reçoivent une clientèle multiculturelle... 

Jusqu'à présent, le seul syndicat qui se soit prononcé en faveur de l'interdiction est celui des professionnels du gouvernement. Un syndicat qui encourage l'employeur à stigmatiser certains de ses membres, et qui refuse à l'avance de les défendre contre l'abus de pouvoir? Vive la fraternité syndicale! 

L'ironie, c'est que le SPGQ compte une infime minorité de membres issus de minorités visibles, notre fonction publique étant aussi blanche que le pain Weston. 

On attend toujours la position officielle des grosses centrales, qui sont «en consultation»... elles avaient passé moins de temps à «consulter» quand il s'était agi de financer la fronde des carrés rouges!

Le sondage interne de l'AQESSS est clair: il n'y a pas de problèmes actuellement, c'est l'interdiction qui risque d'en créer. Comme le dit sa présidente, Diane Lavallée, cela nuira au recrutement et à la rétention du personnel. 

«Les employés qui portent des signes religieux sont très compétents et on ne veut pas être obligés de les congédier», dit-elle... ce que confirme cette autre donnée: 97% des cadres de l'AQESSS estiment que la présence de ces employés n'entraîne aucun problème avec la clientèle. 

Si la moitié des cadres, bons joueurs, sont favorables à l'établissement de balises concernant les accommodements religieux, 98% d'entre eux disent ne pas faire face à des problèmes  concernant les demandes d'accommodement! Cela, incidemment, correspond tout à fait à la conclusion des recherches qu'avait menées à ce sujet la commission Bouchard-Taylor.

Réplique aberrante du ministre de la Santé: les cadres de l'AEQSSS «sous-estiment les difficultés». Ah bon? Le ministre s'y connaît mieux que les gens qui sont sur le terrain? 

C'est comme le ministre Drainville qui, pour expliquer que le gouvernement n'ait fait aucune étude sur les «problèmes» créés par le port de signes religieux, dit que «les gens nous en parlent» ... On se moque du monde ou quoi?