Si une pancarte suffisait à assurer la victoire, Mélanie Joly serait déjà maire de Montréal.

Quelle magnifique affiche que ce fond noir dramatique d'où se dégage le visage lumineux d'une beauté blonde au regard allumé, les mains crânement posées sur les hanches! 

On dirait une pub pour le show d'une chanteuse en vogue. Je blague à peine, car l'irruption de Mme Joly sur la scène municipale a tout du «one-woman show». 

Elle s'est précipitée dans la course sans équipe, sans thème directeur, sans même avoir l'autorisation du Directeur des élections... et vraisemblablement sans conseiller politique: avant de perdre en cours de route son unique allié de poids (Jean Fortier, l'ancien bras droit de Pierre Bourque), elle a publié une partie de sa plate-forme en juillet, une période de vacances qu'un vrai politicien aurait mise à profit pour se faire connaître au ras des pâquerettes.

Mme Joly a accédé à une petite notoriété en 2007, en tant que cofondatrice de Génération d'idées. Ce nom bizarre et ampoulé regroupait de jeunes avocats qui prétendaient renouveler le discours politique. Le lancement de la revue phare du nouveau groupe avait été précédé d'une campagne de marketing sophistiquée: d'innombrables communiqués de presse, lancement très mondain dans un bar branché du Vieux-Montréal... Tout cela pour une revue farcie de clichés, écrite à la va-comme-je-te-pousse et sans une once d'originalité, qui allait du reste vite disparaître de la circulation. Le gros battage publicitaire n'avait été que de la poudre aux yeux.

On retrouve ensuite Mme Joly au sein du cabinet de relations publiques Cohn & Wolfe. Plus tôt cette année, son nom surgit, de but en blanc, dans un article que Gaétan Frigon, l'ancien PDG de la SAQ, publie dans La Presse. Il la couvre d'éloges dithyrambiques. Sa présence, dit-il, «mettrait du piquant, de la jeunesse et de la féminité» (sic) dans la course à la mairie.

Y a-t-il de la substance derrière le look? Oui, assurément. Mme Joly détient une maîtrise d'Oxford, elle a pratiqué le droit commercial dans de gros bureaux d'avocats, elle s'est activée comme administratrice dans le domaine des arts.

Le problème, c'est qu'on ne peut pas prétendre s'improviser maire de Montréal, sauf à avoir un ego gros comme le Stade olympique. Mme Joly aurait été mieux avisée de s'intégrer à l'une des équipes en lice (celle de Marcel Côté aurait été pour elle un choix naturel), et de s'initier aux arcanes de la politique municipale avant de viser le sommet. 

Tout porte à croire qu'en novembre, elle n'aura eu ni l'initiation ni le sommet. Ce qu'il lui restera sera de la visibilité, et c'est sans doute ce qu'elle cherchait. 

Quoi de neuf dans sa plate-forme, à part cette «charte de la vie nocturne» destinée à promouvoir le caractère ludique de Montréal tout en faisant la médiation entre les propriétaires de bars et les riverains?

Il y a l'idée sympathique d'encourager l'art dans l'espace public. Il y a cette vieille idée éculée de piétonniser la rue Sainte-Catherine en été. Il y a les poncifs habituels sur la transparence, l'intégrité, l'aide domiciliaire aux jeunes familles, l'amélioration du réseau d'autobus... 

En fait, ce n'est pas tant sur les programmes qu'il faudra juger les candidats à la mairie (leurs plates-formes se ressembleront toutes plus ou moins, à l'exception de celle de Richard Bergeron). C'est sur leur personnalité, leur force de caractère, leur expérience professionnelle et leur habileté politique, de même que sur leur capacité de plaider partout la cause de Montréal et de remettre la métropole sur ses rails. Or, sur ce plan, une affiche spectaculaire ne pèse pas lourd.