L'arrivée de Denis Coderre dans la course à la mairie est accompagnée d'une nouveauté: plutôt que de former un parti politique conventionnel, il s'entourera d'une équipe qui ne sera pas liée par une ligne de parti sauf sur quelques points fondamentaux, dont évidemment l'adhésion à sa candidature comme maire.

Ce sera en quelque sorte une ombrelle recouvrant des conseillers indépendants dont la loyauté ira à leurs électeurs plutôt qu'à un parti.

C'est une évolution de bon augure, qui annonce peut-être le délitement graduel du système des partis municipaux à Montréal. Déjà, Union Montréal, discréditée par les révélations de la commission Charbonneau, est en décomposition, et Vision Montréal pourrait ne pas survivre si jamais sa chef Louise Harel décidait de jeter la serviette avant les élections de novembre.

Le concept de parti municipal est une anomalie. Montréal est la seule ville importante en Amérique du Nord à s'être donné de tels carcans partisans, exception faite de Vancouver, où les partis survivent à un degré beaucoup plus faible.

La question se pose, en tout cas. Pourquoi un régime de partis au municipal, alors que les enjeux ne justifient pas d'authentiques divisions idéologiques?

Comme le signalait très justement M. Coderre, une administration municipale n'est pas un gouvernement. De quoi s'occupent donc les municipalités? De questions bien concrètes et terre-à-terre comme la circulation, le transport public, le déneigement, la cueillette des ordures, les services de proximité sportifs et culturels.

Il n'y a pas de place, à Montréal, pour des affrontements sur la question nationale ou identitaire, ces enjeux relevant de Québec. Pas de place, non plus, pour l'affrontement droite-gauche, sinon à l'occasion, sur des questions concernant par exemple l'encadrement des manifestations, tel projet de condo ou l'environnement.

Un parti comme Projet Montréal se démarque par son parti-pris écologique, mais en réalité, la plupart des conseillers sont sensibles aux questions d'environnement, à l'image d'ailleurs de la population: il y a eu consensus sur le BIXI, le développement des pistes cyclables et du transport en commun.

Et nonobstant les hauts cris du Frapru, il n'y a personne, parmi les édiles, qui soit contre le logement social. On trouvera en outre une quasi-unanimité sur l'importance d'encourager la construction de logements abordables pour les familles.

La principale ligne de division, ces dernières années, a porté sur le degré de centralisation souhaité et l'équilibre entre la ville centrale et les arrondissements - une base bien mince pour justifier le maintien de partis politiques.

Henry Aubin, l'excellent chroniqueur municipal de la Gazette qui suit la vie politique montréalaise depuis des années, est l'un des principaux adversaires du système des partis municipaux.

Selon lui, ces structures inutiles sont des «sabots de Denver» qui entravent la démocratie municipale et sont autant de portes ouvertes à la corruption, comme on l'a vu à Union Montréal et à Vision Montréal à l'époque de Benoit Labonté. Ce sont des coquilles vides qui, contrairement aux partis provinciaux et fédéraux, fonctionnent à huis clos, et n'ont pas d'authentique vie démocratique interne.

Les partis ont pour effet d'alourdir les débats en y introduisant des considérations partisanes stériles. Pourquoi diable devrait-on voter en bloc sur les heures d'ouverture des piscines ou sur la façon de faire le déblayage en hiver?

Le système de partis a aussi pour effet, souligne avec raison Henry Aubin, d'empêcher les conseillers de voter librement, en fonction des intérêts de leurs commettants.

Ce système, enfin, empêche l'émergence de candidats indépendants de talent, car ils doivent obligatoirement, pour avoir la moindre chance de se faire élire dans un district, être adoubés par la hiérarchie des partis existants, qui n'ont pas intérêt à promouvoir la candidature de nouveaux venus. En somme, un système à repenser...