Mauvais début de mandat pour Philippe Couillard.

Le nouveau chef libéral s'est mis les pieds dans un guêpier dont il aura bien du mal à s'extirper en déclarant qu'il songeait à profiter d'une éventuelle réforme du Sénat pour négocier la signature de la Constitution de 1982 par le Québec. Il a même évoqué une date, 2017, qui coïnciderait avec le 150e anniversaire du Canada!

Comme n'importe quel néophyte en politique aurait pu le prévoir, cette déclaration a fait le bonheur de ses adversaires. M. Couillard n'avait pas encore posé son porte-document dans ses nouveaux bureaux que le ministre Bernard Drainville sonnait la charge et le harcelait de questions auxquelles il était incapable de répondre. La première ministre en a rajouté goulûment.

Tout cela était de bonne guerre de la part des péquistes, qui savent fort bien que la reprise du débat constitutionnel n'aboutirait qu'à un fiasco susceptible de rallumer la flamme de la souveraineté.

Le problème, c'est que M. Couillard ne s'en soit pas rendu compte. Cet homme, tout intelligent soit-il, manquerait-il de sens politique?

Ses deux adversaires, MM. Bachand et Moreau, avaient eu la prudence de ne pas s'aventurer dans ces eaux marécageuses, et dans son discours au congrès de leadership, Jean Charest avait fait une mise en garde à peine voilée à son successeur en insistant sur le fait que priorité devait aller à l'économie (sous-entendu, pas à d'autres aventures constitutionnelles).

M. Couillard croit-il qu'il pourra récupérer les électeurs libéraux passés à la Coalition avenir Québec en les menaçant de rouvrir la boîte de Pandore qui a empoisonné pendant une décennie le climat politique du Québec (et aussi celui du Canada)? Alors qu'ils ont rejoint la CAQ précisément pour échapper à ces débats qui sont devenus stériles?

En voyant les péquistes s'emparer de cette question, M. Couillard a battu en retraite et indiqué que le projet devrait d'abord faire l'objet de discussions au sein du PLQ... ce qui n'est pas plus rassurant.

Le PLQ va-t-il perdre son temps à ergoter sur la question constitutionnelle, à répéter les arguments mille fois entendus entre 1983 et 1993? M. Couillard a-t-il été élu pour présider à des colloques ou pour jouer son rôle de chef de l'Opposition officielle?

Au départ de la course au leadership, M. Couillard avait pourtant un bon instinct. Le 5 décembre, dans une lettre au Devoir, il avait exposé les grandes lignes de sa pensée sur les valeurs du Parti libéral. Dans ce texte fort bien inspiré, il ne consacrait pas une ligne à la question constitutionnelle.

Cinq jours plus tard, l'ancien ministre Benoit Pelletier lui répondait par une lettre ouverte assez emberlificotée, mais d'où il ressortait clairement que le PLQ devait reprendre le bâton du pèlerin pour rouvrir le dossier constitutionnel.

M. Pelletier, l'un des rares citoyens à frémir de plaisir à cette idée (normal, cette affaire est son fonds de commerce puisqu'il est prof de droit constitutionnel!), répète le même refrain depuis des années.

Jean Charest l'a laissé parler sans l'écouter. Aurait-il réussi à convaincre Philippe Couillard que c'est en enfourchant ce cheval de bataille qu'il donnerait au PLQ un visage nationaliste susceptible de séduire les francophones?

C'est pourtant un leurre immense. Primo, la constitution est le dernier souci de l'immense majorité des francophones. Deuxio, une entreprise vouée à l'échec n'a rien de séduisant, d'autant plus que le Québec risquerait de perdre beaucoup plus que ce qu'il gagnerait dans une négociation qui se ferait nécessairement (si jamais elle advenait) sur le mode du «give and take».