C'est un double défi que devra relever le nouveau chef du Parti libéral du Québec, et pour cela, même sa solide victoire au premier tour ne suffira pas à lui paver la voie.

Première tâche, la plus importante: ramener au PLQ les électeurs francophones qui l'ont abandonné au fil des ans. Un parti incapable de compter sur une partie substantielle de la majorité linguistique n'a pas d'avenir.

Deuxième tâche, la plus délicate: asseoir son leadership sur la députation libérale, où il ne comptait que 14 appuis (contre 23 pour ses deux adversaires), les autres n'ayant pas pris position.

Son refus de solliciter un siège à l'Assemblée nationale à la première occasion va l'empêcher d'apprivoiser une députation qui ne lui est pas acquise, et au sein de laquelle certains lui reprochent son manque de convivialité.

En outre, s'il reste des mois - voire jusqu'aux prochaines élections - en dehors de l'enceinte où se fait l'essentiel du débat politique, il perdra beaucoup de visibilité. C'est ce qui est arrivé à François Legault, qui a attendu les élections générales pour se faire élire.

René Lévesque a pu diriger son parti pendant six ans à l'écart de l'Assemblée nationale, mais tout le monde n'est pas Lévesque... et même lui a vu son leadership fragilisé par son éloignement de l'aile parlementaire.

Ce n'est pas en sillonnant le Québec dans une demi-obscurité et en serrant des mains que M. Couillard consolidera son leadership et ramènera les brebis francophones égarées à la CAQ. Des tournées régionales, il en a déjà faites lors de la campagne au leadership! Il est temps, maintenant, d'agir en chef de l'Opposition et d'entrer à l'Assemblée nationale pour faire face à la première ministre devant les caméras.

Au PLQ, ce sont les députés qui comptent, les membres y jouant un rôle beaucoup plus effacé qu'au PQ, où la base militante fait la pluie et le beau temps. On en a d'ailleurs eu une idée lors du congrès de leadership de dimanche: non seulement nombre d'associations régionales n'avaient-elles pu faire le plein de leurs délégués, mais à peine 80% des délégués élus se sont présentés à l'aréna de Verdun!

L'ancien bras droit de Robert Bourassa, Jean-Claude Rivest, recommande au nouveau chef de retarder le corps-à-corps électoral pour présider plutôt au «ressourcement» du parti et à la redéfinition de ses orientations. (Curieux conseil, venant d'un homme plus connu comme tacticien que comme penseur!).

Il n'y a rien de mal, bien sûr, à faire des colloques, voire un congrès d'orientation, mais les membres du PLQ ont déjà fait la preuve qu'ils ne sont pas portés aux débats d'idées. De toute façon, comme M. Couillard l'a lui-même brillamment énoncé au début de la campagne au leadership, le PLQ a déjà des orientations très claires, basées sur ces grandes valeurs libérales que sont le respect des libertés individuelles, la tolérance, l'ouverture aux autres et l'attachement à la double identité québécoise et canadienne.

C'est au jour le jour, en réagissant à l'actualité et aux décisions gouvernementales, que l'Opposition officielle modernisera sa personnalité et que le nouveau chef imprimera sa marque.

Si les libéraux ne sont pas forts sur les débats d'idées, ils ont une qualité: la loyauté - autre contraste par rapport aux péquistes, toujours prompts à se déchirer mutuellement. Il est fort possible que les attaques de Raymond Bachand concernant l'association de M. Couillard avec Arthur Porter lui aient coûté la seconde place.

Bien des libéraux auront vu ces attaques, qui se sont poursuivies jusqu'à l'aréna de Verdun par la distribution de tracts anonymes, comme un coup en bas de la ceinture.