Tout au long de la saga des carrés rouges, les recteurs se sont piteusement terrés, muets face aux revendications farfelues d'un trio d'étudiants enivré par sa popularité dans les médias. Les recteurs avaient pourtant pour eux le bon sens, la raison... et l'appui des deux tiers de la population.

Le temps est venu pour eux de changer d'attitude. Pour préserver leur propre dignité et celle de leurs institutions, ils devraient refuser de se prêter à la comédie de ce Sommet sur l'enseignement supérieur qui s'annonce comme une grand-messe démagogique où nos meilleures universités seront sacrifiées aux caprices des carrés rouges.

À défaut de boycotter le sommet, ils devraient à tout le moins s'abstenir d'apposer leur signature sur le document qui pourrait en résulter, comme le leur recommande fort judicieusement l'ancien ministre péquiste Joseph Facal.

La première ministre, qui trouve le temps de rencontrer en face-à-face l'ASSÉ - une association qui poursuit ses propres objectifs dans la stratosphère «révolutionnaire» -, n'a manifesté aucun égard particulier envers les universités, laissant en outre son ministre Duchesne les traiter avec une inqualifiable grossièreté.

Non seulement ce dernier s'est-il employé à mettre en doute le sous-financement des universités en les accusant à mots couvert de gaspillage, non seulement a-t-il sabré ses subventions sans préavis au beau milieu de l'année financière, mais hier encore, à deux semaines du sommet, les universités n'avaient même pas reçu l'ordre du jour de l'événement!

«On n'en connaît pas la teneur, ni les gens qui vont être invités, ni la programmation», disait la semaine dernière la chancelière de l'Université de Montréal, Louise Roy, tandis que la rectrice sortante de McGill, Heather Monroe-Blum, qualifiait le sommet de «farce». Lors d'une des rencontres, les recteurs ont dû écouter un universitaire sénégalais comparer notre système universitaire avec celui qui prévalait il y a vingt ans dans son pays!

L'amateurisme et l'incompétence qui ont présidé à la préparation du sommet seraient moins scandaleux s'ils n'avaient pas été entachés d'autant de mépris envers les universités. Tout ce que la province compte de démagogues s'est acharné pendant des mois (sans compter le délire verbal du printemps rouge) contre les universités et leurs gestionnaires... comme si le gouvernement et ses ministères pléthoriques étaient sans tache au chapitre de l'administration!

Ce qui se dessine est le pire des scénarios. Le gouvernement scellera ses fiançailles avec les carrés rouges en imposant une indexation de l'ordre de 40$ ou 70$ par année (sans blague!), une augmentation risible qui ne sera que la continuation de la politique suicidaire et irresponsable du gel... et qui sera plus que compensée par la diminution des frais afférents (une autre perte financière pour les universités) et par la bonification des prêts et bourses - une concession du gouvernement Charest pour contrebalancer la hausse des droits de scolarité que le gouvernement Marois a abolie!

Après avoir donné aux étudiants contestataires le beurre, l'argent du beurre et les clés de la crèmerie, le gouvernement Marois imposera une nouvelle humiliation aux universités de recherche, en introduisant dans la méthode de financement l'absurde concept selon lequel les universités qui reçoivent le plus d'étudiants de «première génération» devraient être favorisées même si elles font beaucoup moins de recherche et encourent beaucoup moins de dépenses que l'Université de Montréal, McGill ou Laval.

Une mesure populiste et injuste qui «achètera» la collaboration de l'UQ au sommet, tout en étant un camouflet de plus aux universités qui font la fierté du Québec. Ces dernières devraient se retirer du sommet pour ne pas donner l'illusion que la farce a abouti à un consensus.