Raymond Bachand a-t-il été injuste, lors du débat de samedi entre les aspirants au leadership du PLQ, en rappelant à Philippe Couillard ses accointances avec Arthur Porter, le ténébreux ex-directeur du Centre de santé de McGill dont les agissements font toujours l'objet d'une enquête policière?

On ne peut guère reprocher à l'ancien ministre ses contacts avec un homme qui avait réussi, par ailleurs, à embobiner un tas de gens parfaitement honorables, du premier ministre Harper aux membres d'un conseil d'administration où siégeaient des personnalités comme l'ancien ministre Claude Forget ou le sénateur David Angus, en passant par les sommités de la faculté de médecine de McGill.

Le premier ministre Harper a même nommé M. Porter au poste délicat de président du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité (l'organisme civil qui encadre l'espionnage canadien!) même si lesdits services de renseignements auraient dû savoir que ce dernier était impliqué dans de sombres affaires en Sierra Leone, son pays natal.

M. Porter a fait nommer M. Couillard au CSARS, et les deux hommes ont conçu un projet d'affaires dans le domaine de la santé qui toutefois n'a jamais vu le jour.

Bref, on ne peut attaquer M. Couillard là-dessus sous peine de pratiquer la culpabilité par association.

Par contre, il y a dans le passé de M. Couillard des zones troubles, en tout cas des décisions pas totalement nettes.

Ainsi du fait qu'il ait négocié son entrée dans un consortium de cliniques médicales privées alors qu'il était encore ministre de la Santé. Il en avait averti le Conseil exécutif, lequel n'y a pas vu d'accroc à l'éthique. C'est quand même un comportement problématique.

Ainsi du fait qu'il ait accepté un poste de conseiller auprès du ministre de la Santé de l'Arabie saoudite. On dira qu'il avait bien le droit d'aller gagner de l'argent où il voulait, d'autant plus qu'il avait déjà pratiqué dans ce pays comme neurochirurgien.

Un pareil choix dégage un malaise réel. Qu'aurait-on dit d'un médecin québécois devenant conseiller auprès des gouvernements de Franco, Mussolini ou Staline? Or, la dictature saoudienne n'a rien à envier à ces régimes-là en termes de cruauté et d'abus contre les droits de l'homme.

L'Arabie saoudite est l'un des pays du monde où les femmes sont les plus mal traitées. C'est le principal exportateur du wahhabisme, idéologie meurtrière à la base de l'islamisme radical. Les Juifs n'y ont pas davantage droit de cité que dans l'Allemagne «judenfrei» dont ont rêvé les Nazis.

M. Couillard est en bonne compagnie, faut-il dire. Le Canada maintient des relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite et Brian Mulroney y a dirigé une mission commerciale en 2010, au retour de laquelle il a fait un vibrant plaidoyer pour le rapprochement entre les deux pays.

Le pétrole parle plus fort que la morale.

L'autre ombre au passé de Philippe Couillard est l'acharnement obsessionnel qu'il a démontré contre le projet de CHUM de l'Université de Montréal. Ses motivations n'ont jamais été claires.

Voulait-il torpiller l'Université de Montréal, dont la faculté de médecine lui avait refusé un poste à Saint-Luc au retour de son séjour de quatre ans en Arabie saoudite? Engager une épreuve de force avec le premier ministre Charest? S'agissait-il d'une opposition de principe aux méga-hôpitaux? D'une lutte de pouvoir avec l'UdeM pour la direction du projet? D'une sourde hostilité envers Montréal, où d'ailleurs il n'habite plus, ayant déplacé sa résidence principale à Saint-Félicien? Mystère.

L'homme est brillant, cultivé, intellectuellement doué. Il est aussi un être complexe et secret dont la part de mystère est plus grande que chez la plupart des politiciens traditionnels.