L'ancien premier ministre Paul Martin est allé faire son petit pèlerinage auprès de la chef Theresa Spence. «Vous êtes une inspiration pour tous les Canadiens», lui a-t-il dit.

Je dirais plutôt, excusez-la, que Mme Spence est le genre de chef qui nuit à l'image des autochtones.

Le lendemain d'ailleurs, le rapport de la firme Deloitte couvrait de ridicule notre pèlerin, tout comme d'ailleurs les Justin Trudeau et les André Frappier de Québec solidaire, qui étaient allés pieusement s'agenouiller sous la tente où Mme Spence poursuivait sa diète au bouillon de poisson.

À même les 100 millions versés par Ottawa depuis 2005 à la réserve d'Attawapiskat, Mme Spence et son conjoint Clayton Kennedy empochent des revenus de 250 000$ par année libres d'impôt, ce qui équivaut à près d'un demi-million de dollars par année. Cela, pour gérer une réserve de quelque 1600 habitants.

M. Kennedy, qui a déclaré une faillite personnelle avant d'assumer la gestion financière (sic) de la réserve, reçoit 850$ par jour. Mme Spence, outre son salaire de quelque 70 000$, reçoit 8000$ par mois pour gérer une garderie.

Les largesses ne sont pas limitées à l'heureux couple. Le conseil de bande verse un salaire de 171 000$ par année à un «gérant de la technologie». Un autre membre du conseil s'est fait payer des «voyages» pour 68 000$... sur une période de deux mois.

Parmi les «irrégularités» (c'est l'expression charitable de Deloitte, qui a décelé plus de 500 transactions dépourvues de pièces justificatives), on trouve une somme de 303 256$ pour défrayer les honoraires d'un «consultant» anonyme pour une mission inconnue; un «achat» sans facture ni reçu de 87 150$; une somme de 68 910$ pour «frais juridiques» ...

Et le bouquet: une mystérieuse «transaction immobilière» de... 1,1 million. Dans une réserve misérable où la terre et les logements sont propriété collective?

Il faut dire que M. Martin n'en est pas à son premier aveuglement en ce qui concerne les autochtones. Sitôt arrivé au pouvoir, en 2003, l'un de ses premiers gestes fut de jeter aux orties un projet de loi conçu sous le gouvernement Chrétien - projet de loi qui, s'il avait vu le jour, aurait empêché les abus qui se sont produits à Attawapiskat et dans d'autres réserves isolées.

Robert Nault, alors ministre des Affaires indiennes, voulait démocratiser la gestion des réserves en rendant les conseils de bande imputables à leurs commettants, de même qu'aux contribuables canadiens qui paient la totalité de la note. À l'époque, on calculait que chaque année, plus de 6 milliards de dollars s'engouffraient dans les réserves, sans contrôle ni vérification. La loi aurait aussi forcé les conseils de bande à tenir des élections démocratiques et à respecter la Charte des droits et libertés, ce qui aurait mis les habitants, les femmes en particulier, à l'abri de l'arbitraire des conseils de bande.

L'Assemblée des Premières nations a mené une bataille incessante contre ce projet de gouvernance, avec l'appui du Bloc québécois, qui (incroyable, mais vrai) trouvait ce projet «paternaliste et raciste» !

Quant à M. Martin, mû par un désir quasi maladif de plaire à tout le monde, il était l'otage consentant des chefs autochtones, auxquels il a cédé un gigantesque transfert de fonds de 5 milliards sur cinq ans... que les chefs de bande auraient gérés à leur guise à l'intérieur de larges paramètres.

La défaite de l'éphémère gouvernement Martin a entraîné dans sa chute l'Accord de Kelowna. Faut-il reprocher au gouvernement Harper d'avoir ensuite tenté de s'attaquer au problème de la gouvernance des réserves? Certainement pas.