À supposer qu'ils souhaitent que leurs diplômes aient de la valeur, les étudiants se rendent un bien mauvais service en refusant d'admettre que nos universités sont sous-financées.

Ce sont eux, en effet, qui seront les premiers touchés par les compressions annoncées par le gouvernement.

Hélas, grâce à leur complicité avec le PQ, les carrés rouges ont troqué un avantage à long terme pour des gains à court terme: les étudiants de classe moyenne paieront fort peu pour leurs études, puisqu'ils bénéficieront à la fois du gel et d'un régime d'aide financière considérablement bonifié... mais en revanche, au fil des années, leur formation sera de moins bonne qualité, et leurs diplômes, émis par des institutions de moins en moins reconnues internationalement, seront de piètres passeports pour l'avenir.

Il n'y a rien de mystérieux dans les finances universitaires. Plus de 80% des dépenses sont incompressibles, puisqu'elles concernent principalement les salaires et avantages sociaux des professeurs et du personnel de soutien, ces dépenses étant coulées dans le béton des conventions collectives.

Viennent ensuite les dépenses d'entretien minimales. On ne peut tout de même pas cesser de chauffer les bâtiments en hiver!

Dans ces budgets, les avantages consentis aux administrateurs - la bête noire de leaders «rouges» plus forts en gueule qu'en arithmétique - représentent une aiguille dans une (très grosse) botte de foin.

Même si, à l'exemple de Mao, on décapitait les universités en envoyant leurs administrateurs charroyer du fumier dans les campagnes, les comptables qui resteraient au boulot seraient obligés de sabrer dramatiquement dans l'enseignement et la recherche.

Comme on ne peut toucher aux professeurs, on se fiera de plus en plus aux chargés de cours, qui ne bénéficient pas de la permanence et «coûtent» moins cher, ou alors on augmentera leur tâche au-delà du bon sens. Pas de nouvelles embauches dans le corps professoral, des chargés de cours surchargés (c'est le cas de le dire): la recette parfaite pour un enseignement médiocre.

Idem du côté du personnel de soutien: moins de secrétaires pour assurer la bonne marche des départements, moins d'informaticiens, moins de bibliothécaires... On coupera là où l'on pourra le faire sans provoquer de conflits syndicaux. Moins de livres dans les bibliothèques, moins d'équipement de laboratoire, des locaux de plus en plus vétustes...

Voilà qui touche directement l'enseignement. Mais les étudiants ont aussi intérêt à ce que leur université fasse sa marque dans le domaine de la recherche, car c'est cela qui garantit sa réputation - et donc, par extension, la valeur de ses diplômes.

Or, des universités sous-financées n'auront pas le choix: elles devront renoncer à embaucher les sommités qui peuvent relancer la recherche, se priver d'équipements scientifiques, rogner dans la participation aux colloques internationaux et les années sabbatiques qui permettent aux professeurs de se ressourcer.

Contrairement aux assertions bornées des GND de ce monde, qui trouvent qu'on investit trop dans la recherche et pas assez dans l'enseignement, il y a un lien direct entre l'enseignement et la recherche. Des profs qui ne sont pas à la fine pointe de leur discipline seront moins compétents, car le contenu de leurs cours risque d'être dépassé.

Il s'agit évidemment d'un choix de société. On peut décider de laisser nos universités dépérir et se moquer des classements internationaux, en se disant qu'au Québec, on est né pour un p'tit pain.

On aura des médecins moins bien formés, des juristes médiocres, des sociologues moins allumés, des profs de lettres moins cultivés... à la mesure d'une société qui aura choisi de rester petite.