Depuis la dernière offensive israélienne à Gaza, en 2008, beaucoup de choses ont changé, avec ce résultat qu'Israël est encore plus vulnérable qu'auparavant, et que le gigantesque front commun de ses ennemis, naguère dominé par des régimes sympathiques à l'Occident, est aujourd'hui aux mains de gouvernements islamistes, ce qui procure au Hamas - lié aux Frères musulmans au pouvoir en Égypte et en Tunisie - de puissants alliés.

Les Israéliens sont encore sous le choc: pour la première fois, la semaine dernière, des roquettes lancées de Gaza ont atteint Tel-Aviv et Jérusalem.

Jusqu'à présent, les missiles du Hamas étaient de faible portée et n'atteignaient que le sud du pays. Sederot, à 3 km de Gaza, vit depuis des années sur le qui-vive, au rythme des alertes. Mais ces attaques ne touchaient pas au coeur du pays.

Les derniers tirs de roquettes ont fait peu de victimes parce qu'Israël s'est donné de puissants systèmes antimissiles pour se protéger (s'il ne s'était armé pour sa défense, il y a longtemps que le pays serait disparu de la carte), mais le simple fait que le Hamas au sud - et éventuellement, pourquoi pas, le Hezbollah au nord - disposent aujourd'hui d'armes de plus longue portée accentue la menace qui pèse perpétuellement sur Israël.

Certes, Israël possède la capacité militaire de réduire Gaza à un champ de ruines par des bombardements massifs, mais une pareille «victoire» serait politiquement suicidaire. Israël, encore plus isolé, perdrait toute crédibilité sur le plan international.

D'où la nécessité de riposter prudemment au terrorisme du Hamas par des frappes dites «chirurgicales», en visant des cibles précises... ce qui engendre malgré tout d'effroyables dommages collatéraux puisque, on le sait, la branche armée du Hamas, de même que les autres groupes terroristes qui pullulent sur le territoire - placent leurs installations parmi la population civile.

Les nouveaux lance-roquettes de longue portée du Hamas sont vraisemblablement venus d'Iran en pièces détachées par les tunnels creusés dans le Sinaï, ou par bateau (ce qui montrerait que le blocus israélien a sa raison d'être même s'il n'est pas étanche).

D'autres armements ont transité par voie terrestre à partir de la Libye, où des groupes djihadistes ont pillé les arsenaux de Kadhafi, par le Sinaï qui est devenu une zone de non-droit échappant au contrôle de l'armée égyptienne.

En même temps, le camp islamiste s'est renforcé autour d'Israël. L'Égypte est aux mains des Frères musulmans, et son président, Mohammed Morsi, a lancé jeudi de violentes diatribes contre Israël. Mais il a heureusement choisi la voie de la médiation en vue d'un cessez-le-feu.

Si les négociations tournent court, et si la situation s'aggrave sur le terrain, le traité israélo-égyptien qui assure la paix dans la région depuis 1978 risquerait d'éclater. Pour l'instant, le maintien du traité n'est garanti que par l'aide financière américaine dont l'Égypte a besoin plus que jamais.

Pendant que le feu brûle toujours en Syrie et que l'Iran pratique avec une ferveur accrue la rhétorique de diabolisation de l'État d'Israël, la Turquie, naguère puissance modérée qui entretenait des rapports de coopération avec Israël, se pose maintenant en adversaire de l'état hébreu.

Le gouvernement Erdogan, qui a perdu l'espoir de voir son pays entrer dans l'Union européenne, vise maintenant le leadership du monde musulman, et cache de moins en moins ses couleurs islamistes.

Tout ce qui grouille et grenouille sur la scène diplomatique s'agitera cette semaine entre Jérusalem et Le Caire. On veut être optimiste, car l'alternative serait catastrophique: une guerre terrestre meurtrière entre Israël et Gaza, ou, pire encore, l'élargissement du conflit à une région déjà en proie à de multiples démons.