Oui, c'est vrai, Gérald Tremblay aurait dû démissionner de son poste bien avant que son nom ne sorte à la commission Charbonneau.

Le simple fait que trois de ses plus proches collaborateurs - des hommes qu'il avait lui-même choisis - subissent actuellement leur procès pour fraude, de même que l'ahurissante série de malversations de fonds publics qui a marqué son administration, tout cela militait depuis longtemps en faveur de son départ.

Oui, c'est vrai, seule une commission d'enquête dotée de larges pouvoirs pouvait faire la lumière sur la corruption qui sévit dans l'administration publique. Le mal était trop ancien et trop enraciné pour qu'on se contente de refiler le dossier à la police.

D'autant plus que la police... Au fait, j'ai bien hâte de savoir les raisons de la démission nébuleuse de l'ancien chef de la police montréalaise, Yvan Delorme. Un homme qui venait de renouveler son contrat et qui, à 48 ans, a subitement pris sa retraite pour aller faire de la moto!

Oui, c'est vrai, jusqu'à présent, la commission Charbonneau semble avoir bien fait son boulot, les choses lui étant, faut-il dire, grandement facilitées par les médias qui s'en sont emmourachés.

La juge Charbonneau a aussi, contrairement au juge Gomery qui n'a pas su tenir sa langue, le mérite de s'abstenir de jouer les Kid Kodak, une tentation à laquelle il est facile de céder quand on apparaît tous les jours à la télé drapé dans la noble cape du Grand Justicier.

Cela dit, j'éprouve un malaise. Le même malaise qui m'a toujours habitée devant ces grosses machines à broyer des réputations que sont les commissions d'enquête.

L'ex-maire Tremblay, je le répète, aurait dû démissionner bien avant. Mais comment justifier qu'un quidam dont la crédibilité n'est pas à toute épreuve puisse le salir irrémédiablement en déclarant sans preuve - mais avec l'espèce d'autorité morale que lui donne son statut de témoin à la Commission - que M. Tremblay était personnellement au courant de la corruption qui sévissait à la Ville et dans son parti?

C'est peut-être vrai. C'est peut-être faux. Mais dans l'opinion publique, cette allégation a pris le poids d'une vérité. D'autant plus que M. Dumont, tout comme Lino Zambito avant lui, a été sacré vedette par TLMP et applaudi comme un héros par les badauds qui servent de décor à cette émission trempée dans la démagogie.

Questions: pourquoi la Commission n'a-t-elle pas permis à M. Tremblay d'être interrogé après le témoignage de M. Dumont? Ce n'était pas dans son «plan de match», a dit amèrement M. Tremblay. Mais qu'est-ce qu'elle a de si sacré, la feuille de route de la Commission, qu'on ne pouvait la modifier pour permettre à M. Tremblay de répliquer sous serment à son accusateur?

Nous vivons, sauf erreur, dans un État de droit, où le système judiciaire repose sur trois principes: un, la présomption d'innocence; deux, l'obligation pour la Couronne d'étayer ses accusations par des preuves; trois, le droit de tout accusé à une défense pleine et entière.

Hélas, ce sont des principes que les commissions d'enquête contournent en toute légalité, et cela ne date pas d'hier.

Je me souviens des audiences de la commission Dutil sur la viande avariée, en 1975. J'avais été scandalisée de voir le mépris avec lequel les commissaires traitaient les propriétaires illettrés de petits abattoirs de campagne, qu'on exposait sans vergogne à la vindicte populaire.

Et qui a oublié les dérapages de la commission Gomery? Le tort inouï fait, entre autres, à Jean Pelletier, un homme honorable que le juge Gomery a stigmatisé sur la foi du témoignage d'un personnage que le juge lui-même qualifiait de «bandit» ?