On peut sortir le Québec de l'Église, mais on ne sortira pas de sitôt le catholicisme du Québec!        

Seul ce vieil atavisme, marqué comme l'on sait par la haine de l'argent, peut expliquer pourquoi le Québec est en train de tomber sans réfléchir dans le piège aux illusions qui consiste à croire qu'en éliminant l'argent de la scène politique, on éliminera la tentation, et donc la corruption.

Le PQ, secondé par la CAQ, entend limiter à 100$ les contributions aux partis politiques... lesquels, privés des dons de leurs sympathisants, deviendront des sortes de «BS» entièrement dépendants des fonds publics.

Naguère, la solution à tous les problèmes passait par l'Église. Aujourd'hui, c'est vers l'État que l'on se tourne pour trouver un remède à la corruption. Le gouvernement prendra donc en charge les partis politiques, comme il a pris en charge presque tout ce qui bouge au Québec... Enfin, l'argent public anonyme et aseptisé aura remplacé le détestable argent privé!

C'est une fausse solution, à la fois naïve et contre-productive. Naïve, parce que l'abolition des contributions citoyennes aux partis n'empêchera nullement la corruption. Contre-productive, parce que ce système diminuera la qualité de notre vie démocratique en faisant des partis politiques de molles pupilles de l'État.

Ces dernières années, le gouvernement n'a cessé de resserrer les règles du financement privé, abaissant le plafond de 3000$ à 1000$, interdisant les dons anonymes de moins de 20$ (impossible de «passer le chapeau» dans une assemblée partisane!), obligeant les donateurs à remettre leur chèque au Directeur général des élections, lequel sert dorénavant d'intermédiaire entre le donateur et le récipiendaire, comme si cet argent sale devait être blanchi en passant par les mains des fonctionnaires...

Le DGE a maintenant atteint la taille d'un petit empire, avec un budget annuel de 38 millions et 250 employés à temps plein.

Tout cela parce que dans l'époque hystérique où nous sommes, ceux qui osent donner à un parti politique sont soupçonnés des pires intentions, les politiciens étant, quant à eux, vus comme des criminels en puissance n'attendant que l'occasion d'être soudoyés. Jolie façon d'encourager l'engagement politique des citoyens!

Fort bien. Réduisons à 100$ le montant qu'un partisan pourra verser à son parti. Que se passera-t-il? La minorité de donateurs mal intentionnés et d'organisateurs malhonnêtes saura bien s'organiser pour contourner la loi. L'argent liquide circulera clandestinement encore davantage qu'aujourd'hui.

Le système rêvé par le PQ et la CAQ, fondé sur la méfiance à l'endroit des citoyens et des politiciens, aura de graves effets pervers, dont celui de dévitaliser les partis politiques qui sont à la base de notre démocratie parlementaire.

Les campagnes de financement populaire ne sont pas qu'une affaire de gros sous. Elles permettent aux leaders de reprendre contact avec leur base et aux militants d'entrer en contact avec leurs députés. Elles favorisent un sentiment de solidarité et de responsabilité individuelle envers le parti qui véhicule vos convictions.

Un parti vivant exclusivement aux crochets de l'État deviendra vite une coquille vide.

La formule aura aussi pour effet de scléroser la vie politique. Les subventions étatiques étant calculées selon les résultats électoraux antérieurs, comment un nouveau parti pourrait-il naître s'il ne peut compter sur des contributions de sympathisants?

Sur un autre plan, la «nationalisation» des partis politiques va à l'encontre de la liberté de choix: pourquoi les citoyens devraient-ils être forcés de financer par le biais de leurs impôts des partis qui leur répugnent? Pourquoi, par exemple, le militant de Québec solidaire devrait-il financer le Parti libéral?

Jeter le bébé avec l'eau du bain, voilà ce que l'on est en train de faire.