Que dire de cette immonde bouillie d'allégations de corruption que l'on absorbe chaque matin avec le petit-déjeuner? Même si rien de ce que l'on entend à la commission Charbonneau n'est confirmé, on sait bien qu'il y a du vrai dans ces histoires, qui viennent d'ailleurs confirmer nombre d'enquêtes journalistiques.

Que dire en effet? On sort de ces récits chaque matin un peu plus accablé, devant un système de prévarication qui a coûté des millions, peut-être des milliards, aux contribuables québécois, en plus de miner très profondément la fibre morale de notre société.

Si tout ce que l'on raconte est vrai, ce sont non pas des centaines, mais des milliers de nos concitoyens qui sont impliqués. Des gens qui ne voleraient jamais un portefeuille dans le métro, mais qui, apparemment, ne voient rien de mal à monnayer les faveurs en détournant les fonds publics.

En tout cas, je n'aimerais pas être dans les souliers d'un militant ou d'un député libéral, encore moins dans ceux d'un aspirant au leadership du PLQ. Qu'est-ce qu'on apprendra, au cours des prochains mois?

La commission Charbonneau aura-t-elle sur les libéraux du Québec l'effet de la commission Gomery sur les libéraux fédéraux? Auquel cas ce serait la CAQ qui disputera au PQ les prochaines élections...

Je ne doute pas qu'en cherchant bien, on trouvera aussi des cas douteux impliquant le PQ, mais le fait est que traditionnellement, le Parti libéral a toujours été plus proche de l'entreprise privée, plus proche des milieux d'affaires, des entrepreneurs et des grandes firmes de génie, donc plus vulnérables aux tentatives de corruption que le PQ, un parti d'enseignants et de communicateurs issu du secteur public - des milieux où il circule moins d'argent.

Le citoyen lambda est partagé entre le dégoût et l'impuissance. Oui, l'impuissance, c'est bien ce qu'il y a de pire, car l'on ne voit pas comment l'on pourrait mettre fin à la corruption systémique qui semble exister partout où il y a des contrats à octroyer et des fonds publics à dépenser.

Les esquisses de solution que l'on agite actuellement seraient inefficaces, en plus d'avoir des effets pervers.

Multiplier les gardiens de l'éthique, les vérificateurs, les comités de surveillance? On pourra toujours les contourner à moins de faire du Québec un état policier.

Interdire, ou limiter de manière draconienne, les contributions individuelles aux partis politiques? Ce serait jeter le bébé avec l'eau du bain: on n'abolit pas les routes sous prétexte qu'il y a des accidents d'auto. On peut bien interdire les chèques, mais rien n'empêchera que de l'argent liquide circule de main à main. Avant de succomber au sentiment d'impuissance qui n'engendre que la résignation ou le cynisme, il faudrait voir ce qui se fait ailleurs. Comment certaines villes américaines ont-elles réussi à se libérer de l'emprise de la mafia? Comment changer la façon d'octroyer des contrats? Faudrait-il, par exemple, renoncer au système du plus bas soumissionnaire, qui incite les entrepreneurs à former des cartels et à économiser sur la qualité du matériel tout en favorisant l'infiltration de la mafia?

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PRÉCISION - Oubli stupide dans ma chronique de jeudi, j'ai omis d'ajouter «en tant que chef du PQ» en écrivant que René Lévesque n'avait jamais siégé au parlement. Son absence de l'Assemblée nationale, entre 1970 et 1976, avait causé beaucoup de tensions entre le chef, qui rongeait son frein à Montréal, et l'aile parlementaire qui était au coeur de l'action. C'est à cette période houleuse que je pensais en écrivant. Quant au reste, bien sûr, tout le monde (incluant votre humble servante) connaît la carrière de M. Lévesque sous le gouvernement Lesage!