À première vue, Philippe Couillard a toutes les chances de devenir le prochain chef du Parti libéral... et l'on peut présumer que c'est sans plaisir que Mme Marois et M. Legault le voient venir. Pour la première ministre, il serait un chef de l'opposition implacable et brillant. Et il risque de faire de l'ombre à M. Legault, qui n'a ni sa prestance ni son bagout.

Ce n'est pas par hasard que la plupart des vieux routiers du PLQ ont jeté leur dévolu sur lui. C'est qu'il constitue, pourvu qu'on puisse le prédire dans l'univers si mouvant de la politique, une valeur sûre.

Il a plus d'étoffe que Pierre Moreau, qui est encore trop vert pour la fonction, et il a le charisme que Raymond Bachand n'aura jamais: l'ancien ministre des Finances a de solides qualités, mais on ne l'imagine pas en chef de parti capable de mobiliser les foules.

M. Couillard, lui, a tous les atouts.

Il a de l'expérience gouvernementale, mais on ne peut lui imputer tous les péchés du gouvernement précédent, puisqu'il a quitté la politique il y a trois ans. Il jouit donc de l'enviable statut d'être à la fois un nouveau venu et un parlementaire aguerri.

L'homme est cultivé, érudit, il s'exprime à merveille. Il a du coffre, de l'allure, et projette une image de sérieux.

Lors de son allocution de candidature, la semaine dernière, on voyait qu'il avait des projets en tête, des idées bien réfléchies autant sur la laïcité que sur le fédéralisme, le gaz de schiste ou la tarification. Un homme de substance et de contenu, en somme, doté de maturité intellectuelle, un homme de principe capable de pragmatisme et qui sait où il veut mener le Parti libéral.

Son passage au ministère de la Santé n'a rien eu de mirobolant, mais de nos jours, on n'attend plus de miracle de la part des ministres de la Santé. L'opinion publique, indulgente, ne lui reprochera rien à ce chapitre, et oubliera vite l'apparence de conflit d'intérêts dont il s'est rendu coupable en négociant son contrat avec son futur employeur (un réseau de cliniques privées), alors qu'il était encore en poste. Le conseil exécutif était au courant, et cette firme n'a jamais fait affaire avec le gouvernement. Il n'y a pas là matière à scandale.

M. Couillard a toutefois laissé une tache indélébile sur son passage au ministère, en sabotant l'excellent projet que proposait l'Université de Montréal pour le CHUM. À cause de lui - mais surtout à cause de la faiblesse de Jean Charest, qui craignait la démission d'un ministre populaire -, Montréal a raté la chance de devenir un haut lieu international de la recherche biomédicale.

Quelles étaient les motivations de M. Couillard, lorsqu'il a mis tout son poids dans la balance afin de faire passer un projet médiocre centré sur la rénovation d'un vieil hôpital dans un site exigu?

Était-ce l'effet d'une vieille rancune envers les hôpitaux universitaires de Montréal? Son ancien hôpital, Saint-Luc, avait refusé de le réembaucher au retour de son long séjour professionnel en Arabie saoudite, ce qui l'avait forcé à aller exercer à Sherbrooke.

Jeune et brillant neurochirurgien, le Dr Couillard avait en effet préféré aller s'enrichir en Arabie saoudite plutôt que de poursuivre des études postdoctorales, comme l'ont toujours fait les meilleurs spécialistes québécois. C'était son droit, bien sûr, mais ce n'était pas le choix le plus noble.

Jusqu'à l'annonce de sa candidature, d'ailleurs, il était encore lié aux pétrodollars de Riyad, en tant que membre du conseil consultatif auprès du ministre de la Santé de l'Arabie saoudite... un pays qui n'est pas exactement une référence en matière de droits de la personne.