J'ai passé quelques jours à Vancouver en septembre, et presque tous les gens que j'ai rencontrés m'ont interrogée non pas sur l'élection du PQ, mais sur... Justin Trudeau. Qu'est-ce qu'on en disait au Québec?

J'en ai déçu plusieurs en répondant qu'au Québec, Justin Trudeau n'était franchement pas un sujet de conversation: on ne l'attaque pas, on ne l'encense pas, on n'en parle pas, point à la ligne. Grosse différence d'avec le Canada anglais, où les nostalgiques de la trudeaumanie viennent encore une fois de s'emballer.

Il faut croire que le sentiment monarchique reste vivace. Ou alors que la vie politique, au fédéral, est tellement terne qu'un rien suffit à créer de l'excitation.

Le lancement de la campagne de Justin Trudeau au leadership du Parti libéral du Canada ayant eu lieu à Montréal, les médias québécois en ont fait leurs choux gras - jolies photos du candidat, complet gris et mèche artistement rebelle, avec sa jolie femme et ses jolis enfants. Mais cet intérêt sera éphémère si le prétendant n'étoffe pas son message.

Il est fort significatif que tant de gens le croient trop jeune pour être premier ministre.

Pourtant, son père n'avait que huit ans de plus quand il l'est devenu! Robert Bourassa était premier ministre à 36 ans, Joe Clark à 40, Jean Charest à 45... À 41 ans, l'âge qu'il aura en décembre, Justin Trudeau est entré dans le «middle age» - l'âge médian d'une durée de vie.

Si tous semblent le croire plus jeune qu'il ne l'est, c'est parce qu'il ne dégage aucune maturité, aucune profondeur de pensée, rien qui puisse vraiment le faire prendre au sérieux, et qu'en cinq ans de politique active, il n'a jamais rien dit, et jamais rien écrit, qui soit le moindrement substantiel. Même son discours de candidature, cette semaine, était un ramassis de poncifs désolants.

Tout en lui n'est que charme juvénile et légèreté. Et jusqu'à présent du moins, ses atouts sont de l'ordre du superficiel: un patronyme prestigieux, un look sexy, des enthousiasmes et des colères de jeune homme, des bavardages adolescents sur Twitter, une formation académique ténue, et une propension à faire des «coups» de jeune mec, comme ce match de boxe qu'il a gagné contre le sénateur Brazeau, une opération de marketing destinée à montrer que le pretty boy qui ressemble à sa mère était un homme de fer comme son père puisqu'il était capable de battre un boxeur plus pesant que lui.

L'affaire a fait les délices des correspondants parlementaires qui, las de couvrir les débats soporifiques de la Chambre des communes, ont transformé un épisode plutôt ridicule en gros événement.

Il faut quand même donner la chance au coureur, ne serait-ce que parce que Justin Trudeau a démontré une détermination peu commune dans l'arène électorale. S'il est né avec une cuiller d'argent dans la bouche, cet état de grâce ne s'est pas poursuivi en politique. L'establishment québécois du PLC ne lui a pas fait de faveur. C'était tout un défi que d'arracher la circonscription de Papineau au Bloc Québécois et il l'a fait à deux reprises, étant même l'un des rares députés sortants à résister à la vague orange de 2011.

Brian Mulroney, fin connaisseur en matière politique, disait cette semaine au National Post qu'il faut se garder de sous-estimer Trudeau le fils... Peut-être ce dernier, grâce à son statut de «célébrité», donnera-t-il un formidable élan à son parti (dont il est déjà le meilleur collecteur de fonds: les gens affluent à ses cocktails-bénéfices).

Et s'il réussit à intéresser les jeunes à la politique, eh bien! Ce sera autant de gagné.