Ma chronique de jeudi dernier, où je suggérais aux salariés de Gentilly d'utiliser les mêmes tactiques que les carrés rouges, m'a valu un déluge de courriels, partagés également entre détracteurs et admirateurs.

Autre confirmation de l'extrême polarisation engendrée par la fronde étudiante, les superlatifs démesurés ont jailli pendant trois jours: ce qui était un torchon pour les uns était un délice pour les autres.

Le problème, c'est qu'une grande partie des lecteurs horrifiés par mon texte l'ont très mal lu, en prenant cette chronique, de toute évidence satirique, au pied de la lettre. Je constate donc qu'il faut mettre les points sur les «i» - «i» comme ironie...

Désolée, mais cette chronique ne portait pas vraiment sur Gentilly. J'ai utilisé ce cas comme prétexte, parce qu'il s'agit d'un conflit qui fait les manchettes. Si la fermeture d'Aveos avait été encore d'actualité, c'est ce fil conducteur que j'aurais choisi, il aurait en fait beaucoup mieux convenu.

Contrairement à ce que se sont imaginé plusieurs lecteurs, qui m'accusent de crimes atomiques (je soutiendrais le nucléaire!), je n'ai aucune opinion sur Gentilly. Faut-il préserver une petite expertise dans le nucléaire tout en conservant une industrie qui fait vivre toute une région? Faut-il au contraire fermer la centrale parce qu'une relance serait trop coûteuse et que le Québec a d'autres sources d'énergie? Je n'en sais rien. Mon seul sentiment en est un de sympathie bien naturelle envers les salariés affectés.

Incroyable mais vrai, plusieurs lecteurs ont cru que je conseillais sérieusement aux employés de Gentilly de se transformer en casseurs! Faut-il préciser que mon texte, qu'il fallait bien sûr lire au second degré, était une condamnation absolue de la violence comme tactique de négociation?

Revenons au sujet de ma chronique. Mon propos - très cynique, j'en conviens - était que la leçon que nous ont laissé les carrés rouges, c'est que c'est en prenant la rue qu'on gagne ses combats.

Sur le mode sarcastique, je disais aux gens de Gentilly: au lieu de faire des réunions pacifiques, cassez des vitres et bloquez des autoroutes, c'est comme ça que les étudiants ont gagné le beurre et l'argent du beurre... et le PQ vous écoutera, lui qui fut le grand allié des carrés rouges! C'était une autre façon de dénoncer, comme je l'ai souvent fait sur le mode analytique, l'irresponsabilité de l'opposition officielle durant cette saga.

On m'a beaucoup reproché de faire l'amalgame entre les casseurs et les carrés rouges. Je n'ignore pas, bien sûr, qu'une majorité de manifestants a été pacifique, mais le fait est que les leaders étudiants ont toujours refusé de dénoncer sans équivoque les casseurs, et que leurs manifs ouvraient la porte à des débordements et des affrontements avec la police (refus de communiquer l'itinéraire, masques et déguisements, absence de service d'ordre interne, défilés nocturnes, etc.).

C'est précisément la casse, les «actions d'éclat» et les interminables perturbations imposées à la population, qui ont dramatisé un enjeu relativement mineur, et provoqué la surmédiatisation du conflit.

Ma chronique ne se voulait pas une analyse du conflit, encore moins une description littérale des événements. C'était un pamphlet satirique, la satire étant un procédé littéraire analogue à l'art de la caricature, qui est pratiqué depuis Aristophane.

Pour passer un message de façon plus percutante, on grossit les traits, on schématise, on gomme les nuances, bref on exagère... mais normalement, le lecteur saisit tout de suite, au ton et au style d'un article, l'intention de son auteur.

Le lecteur peut être d'accord ou non avec le message. Mais qu'il ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit.