À l'heure où elle réfléchit à la composition de son conseil des ministres, Pauline Marois est peut-être tentée d'émuler Jean Charest et François Hollande, qui ont opté pour la parité hommes-femmes. Elle aurait tort.

À l'heure où les femmes forment la majorité des diplômés universitaires et occupent partout des fonctions de premier plan, ce genre de discrimination positive n'a aucune raison d'être, à plus forte raison quand cela risque de faire passer le critère éminemment superficiel de l'appartenance sexuelle avant celui de la compétence.

C'est encore moins nécessaire aujourd'hui, alors que pour la première fois au Québec, la grande patronne est une femme! Quel besoin a-t-on de femmes alibis qui ne devraient leur poste qu'au fait qu'elles ne se font pas la barbe avant d'aller travailler?

Jean-Jacques Samson, le vétéran chroniqueur du Journal de Montréal qui a une connaissance intime de l'Assemblée nationale, a identifié dans son blogue neuf députées péquistes - au maximum - qui seraient qualifiées pour accéder au conseil des ministres.

On serait loin de la parité, même si Mme Marois se donnait un cabinet mincissime de 23 ou 24 membres.

La formation d'un cabinet est la tâche la plus ardue d'un premier ministre, car on doit jongler avec mille et une considérations: l'enracinement régional, les états de service, les qualifications intellectuelles, l'aire de spécialisation, l'image publique, etc. Si en plus on ajoute le critère du sexe, on se complique la tâche au nom d'un symbole creux.

En 2007, quand Jean Charest a embrassé le principe de la parité, la députation libérale comptait 44 hommes et 22 femmes. Un député masculin avait donc deux fois moins de chances qu'une députée d'accéder au conseil des ministres, et la députation féminine représentait un bassin de compétences deux fois plus petit.

Même problème cette fois-ci, la députation péquiste ne comptant que 17 femmes sur 54.

Jean Charest a contourné le problème en augmentant le nombre des ministres et en donnant à quelques femmes des responsabilités mineures qui auraient fort bien pu être amalgamées à des ministères. Avait-on besoin d'une ministre déléguée à la Famille, aux Aînés ou au Tourisme?

François Hollande a repris le même truc. Il a réalisé la parité de son conseil des ministres en morcelant les responsabilités jusqu'à l'absurde et en créant, pour les femmes, une dizaine de petits postes de ministres déléguées... à la «réussite éducative», aux «Français de l'étranger», aux «personnes âgées», aux «personnes handicapées» et tutti quanti, plusieurs ministres féminins en titre héritant de dossiers mineurs comme le sport ou l'artisanat.

Bilan de cette opération purement cosmétique: un seul ministère régalien est allé à une femme (Christiane Taubira à la Justice), une poignée de femmes se partageant trois ou quatre ministères relativement importants (sur 34 postes!).

Sur la photo, la moitié des ministres sont en jupe, mais en réalité, l'essentiel du pouvoir est aux mains de ministres masculins. Bref, la parité n'est que de la poudre aux yeux quand elle ne repose pas sur l'attribution de responsabilités sérieuses à des députées qui le méritent.

Morale de l'histoire: si l'on tient absolument à la parité ministérielle, il faut agir en amont et attirer davantage de femmes d'envergure en politique active.

Mais surtout, il faut cesser de voir les choses en termes purement quantitatifs. Ce qui compte, c'est la condition des femmes dans l'ensemble de la société. Les Québécoises, à l'heure actuelle, n'ont nul besoin de coups de pouce artificiels ni de traitements de faveur. La condescendance n'est pas loin du mépris et n'a rien à voir avec l'égalité réelle.