La montée fulgurante de Marine Le Pen va entraîner de violentes ondes de choc dans le paysage politique français. Prédiction: l'UMP, le parti de Sarkozy, va imploser et c'est Marine Le Pen, à la tête d'un Front national rebaptisé, qui deviendra le leader de ce qu'elle appelle «la nouvelle droite».

Nicolas Sarkozy a beau jouer plus crûment que jamais sur les thèmes frontistes, dans une tentative désespérée de séduire les 6,4 millions d'électeurs de Mme Le Pen, cette dernière ne fera rien pour lui faciliter la tâche. Son intérêt est au contraire de voir Sarkozy battu au second tour, ce qui lui permettra d'incarner seule l'opposition aux socialistes et d'assurer à moyen terme la domination de son parti sur la mouvance de droite.

Plus Sarkozy reprend à son compte la rhétorique ultranationaliste, xénophobe et anti-européenne du Front national, plus il court le risque de diviser l'UMP, une coalition qui va de la droite au centre.

Nombre de voix, dans son propre camp, lui reprochent publiquement de s'aligner sur les positions de Marine Le Pen - un choix qui va aussi lui aliéner les électeurs centristes de François Bayrou. En principe, la moitié de ces derniers devraient reporter leur voix sur Sarkozy, mais ils seront sans doute rebutés par la rhétorique lepéniste de Sarkozy.

Il faut dire que mathématiquement, ce dernier n'avait guère le choix de son terrain de chasse, car la réserve de voix, au centre, est deux fois moins grande que celle de Marine Le Pen, Bayrou n'ayant séduit que 9,1% de l'électorat.

Déjà, d'aucuns prédisent que la défaite (probable) de Sarkozy entraînera à moyen terme la scission de l'UMP, la droite modérée du parti s'alliant aux partisans centristes de Bayrou, et la droite dure glissant du côté du FN.

Il n'est pas sûr que des personnalités aussi respectées que le premier ministre François Fillon et Alain Juppé soient capables de prévenir l'implosion du parti, à plus forte raison s'il subit, aux élections législatives du mois de juin, les assauts d'un Front national revigoré par les résultats de la présidentielle. Pour éviter de mécontenter encore plus les centristes, Nicolas Sarkozy a exclu toute alliance électorale avec le FN, mais l'UMP risque de perdre plusieurs circonscriptions si le vote de droite se divise entre les candidats du FN et de l'UMP.

Marine Le Pen va poursuivre la «dédiabolisation» du FN à laquelle elle a brillamment présidé depuis qu'elle a succédé à son père.

Son compagnon, Louis Alliot, qui est aussi vice-président du FN, a discrètement fait enregistrer la raison sociale d'un nouveau parti, l'Alliance pour un rassemblement national. Mme Le Pen elle-même avait fait allusion à un changement de nom lors de la soirée électorale. Jean-Marie Le Pen enrage à cette idée, mais sa fille semble résolue à donner à son parti de nouveaux habits susceptibles de faire oublier le passé sulfureux du FN.

Elle a fait un très long bout de chemin depuis l'époque où le FN dégageait des odeurs d'antisémitisme et d'obscurantisme. Elle a attiré au parti des citoyens issus de l'immigration et a recruté des têtes d'affiche juives et musulmanes. Plus encore, de tous les candidats à la présidentielle, c'était elle qui ralliait le plus d'adhésions chez les ouvriers et chez les jeunes de 18 à 24 ans.

Au second tour, ceux qui ont voté FN par conviction profonde choisiront probablement l'abstention. Ceux pour qui il s'est surtout agi d'un vote de protestation iront vers Hollande d'autant plus facilement que les appuis relativement faibles de Jean-Luc Mélenchon (11,1%, alors que les sondages lui accordaient une quinzaine de points) écartent la menace d'une forte influence des communistes sur un éventuel gouvernement Hollande. Combien en restera-t-il pour Sarkozy?