La vapeur monte, en France, où la campagne pour la présidence de la République donne lieu à des sondages contradictoires au premier tour, avec toutefois un net avantage pour le socialiste François Hollande au second tour.

Ce dernier devrait en principe bénéficier du report des voix de l'extrême gauche, des écologistes et d'une bonne partie du vote centriste, tandis que Nicolas Sarkozy en sera réduit à compter sur les électeurs du Front National... ce qui du reste explique la «droitisation» de sa campagne.

À travers les courbes oscillantes des sondages, deux lignes de fond: la bataille acharnée de Sarkozy, qui joue le tout pour le tout sur un fond perceptible de désespoir, et la campagne placide d'un François Hollande qui manque singulièrement de stature.

Le président sortant, fidèle à son tempérament, fonce dans toutes les directions.

À droite, en proposant une forte baisse de l'immigration - «il y a trop d'étrangers en France» - et en réclamant, pour prévenir l'immigration illégale, la révision des accords de Schenghen, à défaut de quoi la France envisagerait la fermeture de ses frontières et le retour des postes douaniers.

Il fonce à gauche aussi, en annonçant un système de taxation des exilés fiscaux qui quittent le pays dans le seul but d'échapper aux impôts (chaque année, quelques centaines de Français prennent domicile en Belgique ou en Suisse pour cette raison), avec à la clé la perte éventuelle de leur nationalité française. Voilà qui fait pendant à l'engagement de François Hollande de taxer les «super riches» à la hauteur de 75%.

Mais cette frénésie est empreinte de contradictions.

Ainsi, il y a deux semaines, M. Sarkozy reprochait avec virulence à son adversaire de vouloir rouvrir le pacte budgétaire tout récemment négocié au niveau européen (le PS veut y introduire des incitatifs à la croissance pour tempérer la règle de l'austérité).

«Un gouvernement responsable ne renie pas les traités!», s'exclamait le président sortant. Pourtant, celui de Shenghen, outre qu'il date de 27 ans, est beaucoup plus fondamental que le nouveau pacte budgétaire. Il fait désormais partie du tissu même de l'Europe sans frontières.

Autre contradiction, M. Sarkozy s'en prend à Schengen en faisant semblant d'ignorer que les autorités européennes vont très précisément dans le sens qu'il souhaite, et que des démarches sont en cours pour renforcer les frontières très poreuses de Grèce et d'Italie, par où entrent la majorité des illégaux.

Malgré cette agitation tous azimuts, il est loin d'être sûr que M. Sarkozy puisse surmonter son principal handicap, qui est non pas au niveau des idées, mais à celui du style.

Il y a en France une immense vague de détestation du président. Une vague viscérale, à plusieurs égards irrationnelle, marquée par quelques événements superficiels mais symboliques (la réception au Fouquet's, le soir de la victoire de 2007, les trois jours de vacances sur le yacht de Bolloré, etc.) qui ont donné de Nicolas Sarkozy une image d' «ami des riches».

On déteste sa familiarité, son goût pour les breloques coûteuses (le «bling bling»), oubliant au passage ses bons coups qui sont loin d'avoir été négligeables: autonomie des universités, report de l'âge de la retraite, élimination du bouclier fiscal qu'il avait faut-il dire lui-même instauré, etc.

M. Sarkozy a beau mener depuis deux ans, dans le foyer reconstruit avec Carla Bruni, une vie studieuse, sage et austère, il a eu beau se débattre sans relâche sur la scène internationale (avec talent d'ailleurs) pour se donner une image d'homme d'État, rien n'y fait...