Gary Who? Que les amateurs de baseball me pardonnent, ce nom m'était parfaitement inconnu jusqu'à ce que la mort de Gary Carter fasse les manchettes.

N'importe, je suis bien d'accord pour honorer la mémoire de ce sportif de haut niveau quelque part à Montréal. Il y a sûrement un endroit qui s'y prêterait, à proximité d'une installation sportive ou olympique.

Mais une station de métro? C'est totalement exagéré. S'il faut renommer la station Pie-IX, ce qui ne serait peut-être pas une mauvaise idée compte tenu de la performance du personnage, il y aurait des candidats d'une toute autre envergure à qui rendre hommage.

La meilleure idée, d'après moi, est venue de notre ancien collègue Réal Pelletier, qui suggère que l'on rebaptise la station du nom de Marie Victorin, notre premier scientifique, et que par la même occasion, l'on rebaptise le boulevard Pie-IX du nom de Pierre Dansereau, un autre Montréalais qui fut un pionnier de l'écologie.

Loin de déboucher uniquement sur le parc olympique, la station Pie-IX mène au plus important ensemble voué aux sciences de la nature au Québec. Il comprend le Biodôme, l'Insectarium et le futur Planétarium, et surtout le Jardin botanique, fondé en 1922 par le frère Marie Victorin et dirigé par la suite par Pierre Dansereau.

Ce double baptême honorerait deux de nos grands chercheurs dont la mémoire est très précisément liée à l'environnement historique de cette station de métro.

Certains souhaitent dédier la station de métro à Jean Drapeau. Ce dernier a été l'un des grands maires de Montréal, et méritait certainement d'être honoré - bien plus que Camilien Houde dont les sympathies fascistes sont connues.

Mais pour les sites Pie-IX, le tandem Marie Victorin-Pierre Dansereau serait un choix beaucoup plus approprié, en plus d'avoir le mérite de ne susciter aucune controverse. La ruineuse aventure olympique, sortie de l'esprit exalté de Jean Drapeau, a laissé de bien mauvais souvenirs aux contribuables, et ce dernier est très correctement honoré sur le site d'Expo 67, qui fut sa plus belle réalisation.

Le maire Tremblay veut dédier un lieu montréalais à la mémoire de Robert Bourassa, mais il marche sur des oeufs depuis sa déconvenue d'il y a quelques années, quand il avait eu la mauvaise idée de débaptiser l'avenue du Parc.

Ce n'était pas Bourassa qui posait problème, mais le choix d'une avenue dont le nom historique était trop bien enraciné.

Il n'y a pas de doute que Robert Bourassa devrait être honoré. C'est une anomalie que ce Montréalais d'origine qui, au terme d'un long règne, s'est mérité l'estime de tous, ne l'ait jamais été, alors que René Lévesque l'a été une semaine après sa mort!

On trouvera sûrement une grande avenue, une place intéressante ou un carrefour prestigieux qui conviendra (certains suggèrent, par exemple, l'autoroute Bonaventure).

Un autre grand Montréalais qui a été injustement négligé dans la toponymie est Mordecai Richler, ce grand romancier dont toute l'oeuvre respire la ville de Montréal, et qui a créé pour le centre et l'ouest de Montréal ce que Michel Tremblay a créé pour l'est de la ville. On lui a «donné» un kiosque invisible sur le mont Royal, comme on jette un os à un chien.

Bien sûr, ses écrits polémiques sur la loi 101 ont suscité, à bon droit d'ailleurs, beaucoup d'indignation, mais cessons d'avoir l'épiderme sensible!

Tout cela appartient à la petite histoire, alors que les romans de Richler, eux, appartiennent à la grande histoire de la littérature montréalaise. Les Français honorent Céline et les Américains Ezra Pound, dont les opinions politiques étaient bien plus sulfureuses que les envolées viscérales de Mordecai Richler.