Le gouvernement Harper a bien des défauts, mais reconnaissons-lui au moins une qualité primordiale. Rompant avec des décennies de centralisation libérale, ce gouvernement respecte les compétences provinciales.

Exception faite de la tentative de prendre le contrôle des valeurs mobilières (tentative que la Cour suprême vient de tuer dans l'oeuf), M. Harper a été remarquablement fidèle à sa philosophie «provincialiste».

Dernier exemple: la façon dont il a réglé la question des transferts dans la santé. En décembre, le ministre des Finances Jim Flaherty a surpris tout le monde avec son plan de financement non négociable: les transferts d'Ottawa augmenteront de 6% par année jusqu'en 2016-17, après quoi l'augmentation dépendra du taux de croissance, sans toutefois descendre en-deça de 3%.

Même si les provinces ont entonné leurs jérémiades habituelles, le règlement (à prendre ou à laisser car ce n'est pas une offre) est généreux. Mais surtout, et c'est là son aspect novateur... et innovateur, le gouvernement fédéral s'abstient de poser des conditions en échange de sa contribution financière. Les provinces feront ce qu'elles voudront avec les fonds fédéraux.

Comme c'était à prévoir, tant les libéraux que les néo-démocrates, ces grands centralisateurs sous l'éternel, s'étranglent d'indignation.

Cette semaine, dans une entrevue à la chaîne Post-Media, l'ancien premier ministre néo-démocrate de la Saskatchewan, Roy Romanow, déchirait sa chemise devant le fait que le fédéral renonce à son (soi-disant) «rôle de leadership» dans la santé.

En 2001, M. Romanow avait été nommé par Jean Chrétien à la tête d'une commission d'enquête sur les services de santé. Sa conclusion était que le fédéral devait y engloutir des milliards de plus... en exigeant en retour que les provinces se donnent comme priorités les soins à domicile, un programme d'assurance-médicaments et les services de première ligne. Parenthèse: telles sont les priorités que s'était déjà données le Québec, et l'on voit très bien que cela n'a pas réglé les vices du système.

M. Harper, au contraire, est tout disposé à laisser les provinces expérimenter dans ce domaine - un domaine qui est, on le sait, de compétence provinciale.

Non seulement le fédéral ne contribue-t-il maintenant qu'à hauteur de 25% au financement des services de santé, ce sont les provinces qui disposent des ressources et de l'expertise, ce sont elles qui gèrent le système et sont le plus au fait des besoins de la population, alors que le fédéral ne s'occupe que des hôpitaux militaires et des services dans les réserves autochtones (où le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas fait de miracle!).

M. Romanow craint que les provinces, laissées à elles-mêmes, ne s'engagent sur la voie de la privatisation, trahissant l'esprit immémorial du «Canada Health Act». Eh bien! , c'est justement ce qu'il ne faut pas craindre, et fort probablement ce que souhaite M. Harper: que le régime canadien trop rigide soit peu à peu modifié par les provinces. Il est politiquement impossible de modifier la loi fédérale, mais on peut forcer le changement à partir de la base.

Au Québec, cette flexibilité permettrait que l'on commence à s'inspirer, par exemple, du modèle mixte qui a fait ses preuves en France.

M. Romanow craint que les provinces en viennent à ne plus dispenser des services uniformes. Mais c'est déjà le cas! Les soins ne sont pas partout remboursés selon les mêmes barèmes. Sur tous les plans, les provinces sont différentes les unes des autres et il n'y a pas de raison pour que le Medicare soit figé dans le temps depuis 50 ans alors que tout évolue. Bienvenue au XXIe siècle, Monsieur Romanow.