Un sondage Léger Marketing annonce un retour fracassant de Gilles Duceppe dans le coeur des électeurs. Il sèmerait loin derrière lui Jean Charest et il battrait François Legault.

Voilà qui pulvérise la rumeur selon laquelle les Québécois en auraient marre des politiciens traditionnels. Quoi? Le renouveau serait incarné par un homme qui fait de la politique depuis 21 ans et qui aura 65 ans en juillet prochain?

Volatiles, les Québécois? Mettez-en. Il y a six mois, ils ont jeté le Bloc à la poubelle et envoyé son chef à la retraite, pour voter à gauche, c'est-à-dire pour le NPD. Le lendemain matin, ils reprenaient leur histoire d'amour avec François Legault, qui forme avec Charles Sirois un tandem de droite avec des idées de droite. Sur ces entrefaites, survient la possibilité d'un retour aux affaires de Gilles Duceppe, un ancien mao classé beaucoup plus à gauche que le péquiste lambda. Alleluia ! Bye-bye François, on vote pour Gilles!

Un analyste de Léger affirme que les Québécois se sont gardés «une petite gêne» et se sentiraient un peu coupables d'avoir voté contre M. Duceppe. On a fait de la grosse peine à Gilles, on veut le consoler... Non mais sérieusement, l'électorat est-il sentimental à ce point? On se serait froidement débarrassé de Gilles Duceppe en mai pour le remettre en selle en novembre, et à un poste beaucoup plus important ?

Chef du Bloc, ce n'est pas grand-chose - tout au plus une nuisance au parlement fédéral - mais chef du PQ, ça peut vouloir dire premier ministre. Il y a six mois, on ne voulait plus voir Duceppe en peinture, et aujourd'hui l'on voudrait lui donner le Québec?

Autre incongruité, tous les sondages nous disent que les Québécois ne veulent plus entendre parler de souveraineté (ou de référendum, ce qui revient au même car le référendum est le passage obligé pour la souveraineté). Et l'on voudrait tout à coup donner le pouvoir à un homme qui parle ad nauseam de la souveraineté alors qu'hier encore, on adorait François Legault parce qu'il s'engageait à ne plus parler de la souveraineté?

Devant l'irrationnel, il faut raison garder.

D'ailleurs, quand on a un peu de mémoire politique, c'est avec un sain scepticisme que l'on voit passer les sondages.

2005. Bernard Landry vient de tirer sa révérence. Gilles Duceppe est tenté par le leadership du PQ. Il recule parce qu'André Boisclair est le grand favori des sondages. On connaît la suite...

2007. Boisclair démissionne. Une fois de plus, Duceppe reluque la direction du PQ. Il annonce même sa candidature... mais le lendemain, voilà-t-il pas qu'un sondage de Léger Marketing annonce que Pauline Marois le dépasse de 11 points dans l'opinion publique (28 à 17). Duceppe prend la poudre d'escampette et retourne à Ottawa.

Je n'ai qu'une prédiction : ce dernier ne briguera les suffrages au PQ que s'il est assuré d'être élu par acclamation, ou si ses adversaires sont vraiment quantités négligeables. Cet homme n'aime pas la compétition et ne voudra pas prendre le risque d'être battu.

(En 1997, dans la course au leadership du Bloc québécois, M. Duceppe avait dû affronter quelques adversaires, dont Yves Duhaime, Daniel Turp et Francine Lalonde. Mais sa victoire était en quelque sorte dans sa poche car il était le poulain de Lucien Bouchard, alors premier ministre du Québec, qui voyait en lui son homme de confiance à Ottawa. La campagne de M. Duceppe roulait sur l'or grâce à ce puissant appui. Le combat était inégal et le résultat tout à fait prévisible.)

Quant aux sondages... Ils passent, et le vent les emporte.