Dieu sait que je ne suis pas du genre à voir du sexisme partout, mais à observer la façon dont Pauline Marois est traitée par nombre de ses «camarades», je ne peux m'empêcher de me demander si l'on ferait preuve d'un pareil acharnement envers un leader masculin.

J'ai suivi de près les activités du PQ depuis sa fondation. Ce parti a souvent été cruel avec ses chefs, mais je n'en ai jamais vu un se faire traiter avec autant de condescendance et de mépris. Ce spectacle tient du lynchage. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un député, ou un militant, ou un groupe de souverainistes, la contredise publiquement, prédise ouvertement son échec aux élections ou réclame bruyamment son départ... pendant que Pierre Curzi, à qui sa popularité a monté à la tête, s'offre sans vergogne comme son remplaçant.

Certes, cela se produit dans le cours du processus d'autodestruction auquel se livrent les souverainistes depuis la déroute du Bloc québécois, un processus qui relève davantage de la psychiatrie que de la politique, car on est vraiment, ici, dans la psychose. Comment un parti qui était promis au pouvoir il y a six mois s'est-il organisé pour se reléguer lui-même au rang de tiers parti?

Avec les coups que les péquistes s'infligent mutuellement, rien d'étonnant à ce que la cote de leur parti ait dégringolé. Comment prendre au sérieux un parti qui n'en finit plus de se déchirer sur la place publique et de dénigrer une cheffe à laquelle, aussi récemment qu'en avril, il accordait un vote de confiance de 93,7%?

Au fait, où étaient-ils donc, au congrès du PQ, les Curzi, les Beaudoin, les Aussant, et tous ces députés et militants qui veulent aujourd'hui refaire le programme qu'ils ont eux-mêmes voté à la majorité, et se débarrasser du leader qu'ils encensaient il y a six mois? On ne les a pas entendus dénoncer leur programme ni leur chef aux micros de la plénière.

«Elle ne passe pas!», disait encore hier l'un de ces obscurs présidents d'associations de comté auxquels les médias, alléchés par l'odeur du sang, accordent une importance démesurée.

Mme Marois n'est guère populaire, c'est vrai, mais a-t-on oublié que depuis 1976, tous les chefs de l'opposition québécois ont traîné la patte dans les sondages, et ce, alors même qu'ils étaient à la veille de mener leur parti au pouvoir? C'était le cas de Lévesque en 1976, de Bourassa en 1985, de Parizeau en 1994 et de Jean Charest en 2003!

La gouvernance souverainiste? On la conteste à ce chapitre avec une virulence réservée aux adversaires de l'indépendance! Pourtant, l'approche prudente de Mme Marois - une approche qui prend en compte l'aversion des Québécois à l'idée d'un autre référendum - est calquée sur celle de tous ses prédécesseurs, à la seule exception de Jacques Parizeau. Les Lévesque et les Landry n'ont jamais dit autre chose (dans des formulations différentes).

Alors quoi? Serait-elle trop riche, trop «bourgeoise» ? Ni plus ni moins que François Legault, ce multimillionnaire que tant d'ex-électeurs péquistes portent aux nues!

Scénario classique: élève-t-elle la voix en Chambre? Elle est agressive, alors qu'un chef masculin serait loué pour sa combattivité. Recourt-elle à la méthode douce? Elle manque d'autorité, alors qu'un chef masculin serait loué pour ses dons de conciliateur...

Je n'ai jamais cru que Mme Marois possédait d'exceptionnelles qualités de leadership - on peut être un bon ministre mais ne pas être taillé pour la fonction suprême -, mais enfin, je ne vois pas non plus de grands génies de la politique, chez les hommes qui se battent en coulisses pour la remplacer.