Il était pour le moins surréaliste de voir la première réunion du caucus néo-démocrate dominée, à l'instigation des reporters, par la question de savoir quelle majorité serait requise pour qu'un référendum sur la souveraineté soit reconnu par le fédéral et les autres provinces.

Il était pour le moins surréaliste de voir la première réunion du caucus néo-démocrate dominée, à l'instigation des reporters, par la question de savoir quelle majorité serait requise pour qu'un référendum sur la souveraineté soit reconnu par le fédéral et les autres provinces.

S'il y a une chose qui n'est pas d'actualité, c'est bien celle-là! La cote de la souveraineté reste plafonnée à 40%... et encore faudrait-il lever l'équivoque d'un rassurant, mais hypothétique «partenariat» pour que la question soit claire.

Le Parti québécois est encore à deux ans du pouvoir, et s'il a toutes les chances d'être porté au pouvoir, les dernières élections fédérales ont illustré la volatilité de l'électorat: on ne peut jurer de rien, ni au PQ ni ailleurs, sans compter la possibilité d'une troisième voie renforcée par l'union de l'ADQ et de François Legault, un nouvel acteur qui pourrait brouiller les cartes.

Enfin, rien ne dit que même porté au pouvoir, le PQ serait en mesure de tenir un référendum «gagnant» sur l'indépendance.

Cela fait bien des «si»... N'y a-t-il pas des problèmes plus pressants auxquels l'opposition officielle devrait s'attaquer?

L'insistance des journalistes à amener le chef néo-démocrate sur le terrain du référendum n'était toutefois pas totalement gratuite, d'autant plus qu'un des députés néophytes du NPD avait eu l'imprudence de se prononcer sur une question dont il aurait dû savoir qu'elle était fort délicate dans un parti fédéral.

La question a eu le mérite de faire ressortir les contradictions internes du parti. Le NPD qui, ailleurs au Canada, appuie la «loi sur la clarté», a dit autre chose au Québec, dans une «déclaration de Sherbrooke» qui avait été fort peu ébruitée en dehors du Québec.

La loi sur la clarté exige une «majorité claire», qui va bien évidemment au-delà des 50% plus un vote. Le NPD, au Québec, appuie la règle qui prévalait dans la classe politique québécoise lors des référendums de 1980 et 1995.

Mais les courriéristes parlementaires, convaincus que le NPD ne serait jamais autre chose qu'un tiers parti, ne se sont jamais occupés de couvrir à fond les activités extraparlementaires de ce parti. Qui, parmi les électeurs néo-démocrates de l'Ontario ou du Manitoba, a entendu parler de la «déclaration de Sherbrooke»?

Le NPD a donc eu les coudées franches pour jouer sur deux registres différents, selon qu'il s'adressait au Québec ou au reste du Canada.

Interrogé là-dessus, Jack Layton a fait ce qui était aisément prévisible: il a patiné, obligé qu'il était de tenir compte des sensibilités de ses partisans du Canada anglais sans heurter l'opinion dominante au Québec. Il s'est rattrapé cinq jours plus tard devant les reproches du PQ et de Jean Charest, en se disant sans doute que le reste du Canada ne s'intéressera pas de sitôt à cet enjeu, l'«unité nationale» semblant aujourd'hui moins menacée que jamais.

Mais maintenant que le NPD se trouve sous le feu des projecteurs, l'équilibre sera difficile, et le double langage impossible. Jack Layton aura beau sourire de toutes ses dents, il sera toujours sur un fil de fer.

Tel est désormais son destin, sur cette question du référendum comme sur le reste. Et les Québécois qui s'imaginaient naïvement que le NPD serait «un nouveau Bloc» devront revenir sur terre : ils ont voté pour un parti non pas régional, mais pancanadien, fédéraliste de surcroît - ce qui va de soi, c'est le Bloc qui était une anomalie sur la scène fédérale. Qui plus est, ils ont voté pour un parti qui repose depuis un demi-siècle sur une tradition particulièrement centralisatrice...