Où s'en va-t-on avec un gouvernement Harper majoritaire? Ceux qui l'ont toujours diabolisé prédisent les sept plaies d'Égypte et l'apocalypse en même temps, mais on peut aussi prendre un valium, et croire au contraire que le fait d'avoir acquis une majorité aura plutôt un effet calmant sur l'homme et son gouvernement.

Où s'en va-t-on avec un gouvernement Harper majoritaire? Ceux qui l'ont toujours diabolisé prédisent les sept plaies d'Égypte et l'apocalypse en même temps, mais on peut aussi prendre un valium, et croire au contraire que le fait d'avoir acquis une majorité aura plutôt un effet calmant sur l'homme et son gouvernement.

Une fois à l'abri de l'instabilité et des menaces constantes qui pesaient sur la survie de son gouvernement minoritaire, les tendances les plus irritantes du premier ministre - notamment son culte autocratique du contrôle et du secret - pourraient s'atténuer, et il se pourrait fort bien qu'il fasse glisser graduellement son gouvernement vers un centre droit acceptable à une large partie de la population.

Une telle prédiction n'est pas le produit d'un optimisme délirant. C'est plutôt une prévision conforme à la règle numéro un de la politique, laquelle veut que ce soit autour du centre que l'on gagne les élections. Dans quatre ou cinq ans, M. Harper voudra naturellement être réélu, et il voudra aussi augmenter sa majorité. Ce n'est pas en accentuant la polarisation qu'il y parviendra.

La même règle élémentaire de la politique va également pousser le NPD à abandonner le dogmatisme de gauche qui caractérise encore une bonne partie de sa députation pour s'orienter vers un pragmatisme de centre gauche.

On notera d'ailleurs que dans les cinq provinces où le NPD a déjà exercé le pouvoir, les néo-démocrates «provinciaux» ont toujours été beaucoup plus modérés que leurs cousins fédéraux, qui pouvaient, eux, s'offrir le luxe de dire n'importe quoi et de cracher en l'air parce qu'ils n'avaient aucune chance de former le gouvernement, et même pas (jusqu'à cette année) l'opposition officielle. Il n'y a rien comme la perspective du pouvoir pour modérer les ardeurs des extrémistes.

Stephen Harper est un stratège intelligent et méthodique. Sa prise du pouvoir a été un exercice de haute voltige étalé sur près d'une décennie.    

La première étape a consisté à prendre la tête de l'Alliance canadienne (le rejeton du Reform de Preston Manning). La seconde, à fusionner l'Alliance avec les anciens tories, ce qui fut fait en 2003. Troisième étape: amener la nouvelle coalition au pouvoir, ce qui fut fait en 2006. Au départ, M. Harper avait repris la formule gagnante de Brian Mulroney, en essayant de refaire l'alliance de l'Alberta et du Québec. Le Québec s'étant dérobé, sa base de l'est est maintenant en Ontario. La quatrième étape consistait à obtenir une majorité en ciblant des comtés «prenables» et des clientèles réceptives au message conservateur, notamment les banlieusards et les électeurs d'origine immigrante. C'est fait.

Le but ultime de M. Harper était de déloger le Parti libéral de son statut de «natural governing party» - le parti naturel du pouvoir. Le PLC étant entre la vie et la mort, voilà qui est presque fait.

Ne nous méprenons pas, ce gouvernement Harper ne deviendra pas un clone du PLC d'antan, qui oscillait entre la droite et la gauche. M. Harper ne se satisfera pas de prendre et de garder le pouvoir. Il veut faire des valeurs conservatrices les valeurs dominantes de la société. Mais jusqu'à preuve du contraire, on ne peut le soupçonner d'avoir un «agenda caché». Ses intentions, il les a clairement annoncées.

Ce n'est peut-être pas le gouvernement dont on aurait rêvé, mais cela n'en fera pas pour autant un gouvernement fasciste! Ce sera en tout cas un gouvernement beaucoup moins à droite que les républicains américains, et qui n'aura rien à voir avec le Tea Party auquel certains le comparent tout à fait abusivement.

* La vertu est au milieu. (Horace)