Le premier ministre Charest n'a qu'à s'en prendre à lui-même, quant au dernier fiasco que constitue la commission Bastarache. C'est lui et non pas Marc Bellemare qui a provoqué ce gaspillage insensé de fonds publics - six millions de dollars pour aboutir à fort peu de choses.

Le premier ministre Charest n'a qu'à s'en prendre à lui-même, quant au dernier fiasco que constitue la commission Bastarache. C'est lui et non pas Marc Bellemare qui a provoqué ce gaspillage insensé de fonds publics - six millions de dollars pour aboutir à fort peu de choses.

Pourquoi avoir institué une commission d'enquête pour faire la lumière sur les racontars invraisemblables d'un ancien ministre qui était depuis longtemps connu comme un loose cannon? M. Charest voulait défendre, disait-il, l'image du système judiciaire. Allons donc! La crédibilité des juges québécois, dans l'ensemble, était bonne et elle le serait restée même sans commission d'enquête.

M. Charest lui-même n'avait nul besoin de cet expédient pour sauvegarder sa propre réputation. À un moment donné, les médias en auraient eu assez des sorties de M. Bellemare, et seraient passés à autre chose. Les accusations de M. Bellemare, qui à leur face même ne tenaient pas debout, auraient été vite oubliées, et le conflit entre les deux hommes se serait réglé en cour.

Sans doute M. Charest voulait-il surtout faire diversion. En faisant dévier le débat sur l'affaire Bellemare, il pensait faire oublier à l'opinion publique son refus obstiné d'enquêter sur la construction, tout en sachant fort bien qu'aucune commission d'enquête ne donnerait raison à son ancien ministre. Malheureusement pour lui, le coup est raté.

Selon un sondage CROP réalisé sur internet dès la publication du rapport Bastarache, 76% des Québécois croient que cette commission n'était qu'un calcul politique, le pire étant que les trois quarts des citoyens croient à la version de Marc Bellemare, même si elle a été démentie sans équivoque par un juge respecté, retraité honorable de la Cour suprême.

Un sondage réalisé pour l'agence QMI arrive à des résultats analogues: 59% «croient» M. Bellemare, et seulement 17% «croient» le premier ministre - la même proportion qu'au lancement de la commission. C'est comme si cette commission n'avait jamais existé, les gens restent butés sur leurs premières impressions.

Signe inquiétant pour le PLQ, cette forte majorité de sceptiques doit comprendre un assez fort pourcentage d'électeurs libéraux, ceux-là mêmes qui ont à trois reprises porté M. Charest au pouvoir.

Quant à la magistrature dont M. Charest prétendait défendre l'image, elle sort elle aussi très amochée de l'exercice, puisque 61% des répondants affirment avoir «moins confiance» qu'auparavant dans le système judiciaire québécois.

Cette réaction impulsive est aussi peu fondée que celle qui accorde plus de crédibilité à M. Bellemare qu'au premier ministre, car rien ni dans les témoignages ni d'ailleurs dans la réalité ne permet de croire que la magistrature québécoise souffrirait de graves failles.

Sur toute cette affaire, l'opinion publique est d'une irrationalité à faire frémir, c'est le moins qu'on puisse dire. À voir les réactions spontanées de ces internautes qui désormais fabriquent l'opinion, on croirait que Jean Charest est la version nord-américaine de Ben Ali, le dictateur déchu de Tunisie!

On veut bien croire que le régime Charest a déçu sur toute la ligne, et qu'il existe, dans notre société, de la corruption, du favoritisme politique, des ingérences douteuses et, quelques fois, matière à véritable scandale, mais enfin, revenons sur Terre! On n'est pas en Tunisie, ni en Russie ni en Haïti... même pas en France, où la magistrature n'offre pas les mêmes garanties d'indépendance et d'intégrité que la nôtre.

En fait, le Québec, à l'instar d'ailleurs du reste du Canada, est l'un des endroits du monde où la pratique politique est la plus «honnête», et les lois gouvernant l'éthique publique, les plus strictes.

Sortons de notre bulle et comparons-nous aux autres, cela nous relèvera le moral