Témoignage d'une ado citée dans le National Geographic: «Quand mes parents seront vieux, ils ne vivront pas avec moi, ils iront dans une maison de vieux.»

Témoignage d'une ado citée dans le National Geographic: «Quand mes parents seront vieux, ils ne vivront pas avec moi, ils iront dans une maison de vieux.»

Elle a 16 ans, elle n'aime pas l'école, ses notes sont basses, mais ses parents ont renoncé à la semoncer.

Enfants uniques, enfants gâtés... Il faut voir, dans les parcs, ces nouveaux enfants-rois endimanchés battre triomphalement la marche devant deux couples de grands-parents qui suivent docilement, extasiés devant cette espèce rare et précieuse : un enfant!

Au restaurant, l'enfant-roi fait le pitre, dérange tout le monde en courant à travers les tables, mais ses parents, loin de le ramener à l'ordre, le photographient avec des mines adoratrices.

L'enfant-roi, gavé par des parents et des grands-parents en mal de progéniture, est gras et bouffi : un embonpoint inquiétant, qui tranche avec la sveltesse traditionnelle du peuple chinois.  

La politique de l'enfant unique (aujourd'hui très légèrement assouplie) a eu l'avantage de limiter la croissance démographique, mais au prix d'une mutation culturelle qui n'annonce rien de bon.

Que deviendra la Chine, ce pays dont la force a toujours reposé sur la cohésion familiale et l'éthique du travail, le jour où elle sera dirigée par une génération d'enfants gâtés et égocentriques, pour qui l'acquisition de biens matériels passe avant la solidarité familiale et le désir de réussir ses études?

La philosophie confucéenne - le culte de l'effort, le respect dû aux aînés, la méritocratie symbolisée par les examens rigoureux que devaient subir les futurs mandarins -, tout cela, pendant 2000 ans, a survécu aux multiples dynasties, aux coups d'État, aux jacqueries, aux invasions étrangères, aux guerres civiles et à la répression maoïste.

C'est cela et pas autre chose qui explique la vigueur exceptionnelle de la culture chinoise et le succès phénoménal des Chinois de la diaspora, dont les enfants dépassent les autres à l'école non par disposition génétique, mais tout simplement parce qu'ils travaillent plus fort que les autres, mus par la pression parentale - une pression qui ne se relâche jamais et que les jeunes intériorisent comme une valeur qui leur est propre.

Mais les jeunes parents d'aujourd'hui, très souvent, ont abdiqué devant l'enfant-roi, d'autant plus facilement que les familles de classe moyenne se sont enrichies à un rythme fiévreux.

Dans les villes, des appartements de 100 mètres carrés (à Paris ce serait une grande surface) sont occupés par des familles de trois personnes. Les paysans enrichis se font bâtir des maisons de trois étages... À Paris, tout restaurant étoilé compte sur les touristes étrangers pour faire ses frais. Pas à Pékin ni à Shanghaï, où les restaurants les plus luxueux vivent très bien de la clientèle locale, la preuve en étant que le personnel est unilingue et que les menus et les toilettes ne sont affichés qu'en caractères chinois.

L'autre effet de la politique de l'enfant unique est à double tranchant. Il menace à moyen terme la capacité de la Chine d'exporter des produits bon marché, car la société vieillit beaucoup trop vite. D'ici quelques années, les usines ne disposeront plus de la main-d'oeuvre abondante qui leur permettait d'embaucher à vil prix. Par ailleurs, justement en raison de la diminution de cette main-d'oeuvre corvéable à merci, le sort des ouvriers s'améliorera. C'est déjà commencé, d'ailleurs. Les syndicats d'État, vendus au régime, n'ont pu empêcher les ouvriers de la base de déclencher des grèves dans plusieurs manufactures pour réclamer de meilleures conditions... qu'ils ont obtenues dans nombre de cas.

Mais la Chine surprendra toujours tant ses admirateurs que ses critiques. Aussi est-il bien imprudent de prédire son avenir...