En décidant de réduire du tiers la contribution maximale aux partis politiques, le gouvernement Charest est en train de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Cette mesure n'empêchera pas les illégalités et risque d'amoindrir la qualité de la vie démocratique.

(Le PQ, pour sa part, réclame d'abaisser la limite à 500$, et quelques députés dissidents parlent même d'un plafond de 100$. C'est absurde. À ce compte-là, aussi bien dire que les partis politiques devraient être exclusivement financés par les contribuables).

Sur le plan pratique, on aura beau fixer la limite à 1000$ plutôt qu'à 3000$, rien n'empêchera des gens de contourner la loi. L'illégalité ne se combat pas en réduisant la somme maximale de la contribution, mais en installant des garde-fous comme ceux dont il est par ailleurs question dans le projet de loi 113: mesures pour prévenir l'utilisation de prête-noms, amendes élevées en cas de contournement, etc.

Hélas, la vague de scandales concernant le favoritisme a provoqué une réaction démesurée. Apparaître sur une liste de donateurs est devenu une tare. Récolter des fonds pour un parti - une activité parfaitement honorable, sans laquelle les partis politiques démocratiques n'existeraient pas - risque de vous associer aux entrepreneurs véreux qui ont abusé du système.

Mais où donc est passée l'idée que si l'on croit à un parti - à son programme, à ses leaders ou à son idéal - l'on devrait y contribuer dans la mesure de ses moyens? La contribution financière n'est-elle pas une forme de militantisme aussi respectable que le porte-à-porte, la rédaction de discours ou l'organisation d'assemblées de cuisine?

Ce n'est pas tout le monde qui dispose à volonté de 3000$, mais admettons-le, c'est une somme que beaucoup d'honnêtes citoyens seraient prêts à payer pour donner un coup de main au parti ou au candidat qui véhiculent leurs convictions, d'autant plus que leur don sera déductible d'impôt. C'est en 1977 que le gouvernement Lévesque avait établi cette limite de 3000$. La valeur du dollar ayant augmenté, il serait plus logique de hausser le plafond que de le baisser. Mais il est vrai qu'à l'époque de Lévesque, le PQ croyait au financement populaire... Il n'avait pas, comme aujourd'hui, le réflexe de tout demander à l'État.

Dans tous ces débats sur la corruption, on a perdu de vue quelques réalités élémentaires: une démocratie saine repose sur la vitalité des partis politiques; or, l'une des garanties de cette vitalité, c'est le financement par la base, une opération qui suscite de nouvelles adhésions, qui force les appareils des partis à être à l'écoute de leurs membres et qui renforce le lien entre le militant et le parti. Des partis qui dépendraient trop largement des fonds publics seraient des créatures artificielles.

Les campagnes électorales coûtent cher. La limitation des contributions va forcer les politiciens à inventer d'autres moyens de contourner la loi, ou va les jeter dans les bras de l'État.

Or, le financement public des partis est loin d'être une panacée. Ce système encourage la déresponsabilisation des citoyens, qui se trouvent ainsi libérés de l'obligation morale de soutenir concrètement le parti de leur choix.

Ce système, en outre, est injuste: il force les contribuables à financer à doses massives des partis pour lesquels ils n'ont pas voté. Enfin, parce qu'il repose sur la performance des candidats aux élections précédentes, ce système décourage la formation de nouveaux partis.

Les libéraux avaient raison de tenir au plafond de 3000$. Mais dans la tourmente où ils se trouvent, ils sont prêts, sur ce point comme sur tant d'autres, à n'importe quoi pour donner l'impression d'agir. Mais agir sans réfléchir n'a jamais rien produit de bon.

lgagnon@lapresse.ca