Le Bloc québécois a trouvé une façon inédite de faire campagne pour la souveraineté: il répand la bonne nouvelle en terre de mission, à mille lieues du Québec... où se trouvent pourtant les seuls électeurs capables de faire advenir la souveraineté!

L'hiver dernier, Gilles Duceppe a effectué une grande tournée au Canada anglais, histoire de faire savoir à nos voisins que l'échec de Meech avait creusé une blessure irréparable dans l'âme québécoise, et que s'ils n'obtempéraient pas aux revendications du Bloc, leur grand pays risquait d'éclater. À ce discours, les quelques Canadiens anglais qui avaient prêté attention à cette tournée ont réagi en bâillant courtoisement.

 

Le Bloc et le PQ ont tout fait pour raviver le souvenir de Meech en célébrant en grande pompe, et à grand renfort d'indignation, le 20e anniversaire de la faillite de Meech (passant sous silence le 30e anniversaire du référendum de 1980, un événement incontestablement plus important)... mais ce bel effort a fait long feu. Les Québécois avaient l'esprit ailleurs, et personne n'est monté au créneau, même pas les souverainistes de la base, eux qui d'ailleurs n'ont jamais fait autre chose que de dénigrer l'accord du lac Meech à l'époque où il avait encore des chances d'être agréé! Meech, c'était trop peu trop tard, une aumône risible, du pipi de chat et de la gibelotte pour colonisés, alors évidemment, 20 ans plus tard, ils ne vont pas se réveiller la nuit pour le regretter, même si aujourd'hui le Bloc prétend que c'était un accord «très raisonnable».

Aujourd'hui, mentionnez Meech dans un dîner, vous verrez tout le monde piquer du nez dans son assiette et s'endormir tout net. C'était plus facile, pour le Bloc, d'aller raconter dans les autres provinces que les Québécois étaient encore sous le choc du rejet de Meech que d'essayer de susciter ici même un vrai mouvement de révolte.

Vue sous l'angle bloquiste, la tactique, faut-il dire, avait son mérite: il s'agissait d'irriter l'opinion anglophone, dans l'espoir pour le moins naïf que le Canada anglais, excédé, finisse un jour par décider de se séparer lui-même du Québec.

Cette semaine, nouvelle croisade... encore une fois à l'extérieur du Québec! M. Duceppe vient d'écrire à quelque 1600 personnalités étrangères réparties sur quatre continents une lettre où il leur annonce qu'en raison de l'impopularité du gouvernement Charest, un autre référendum sur la souveraineté s'annonce au Québec, et que la communauté internationale doit se préparer à «reconnaître ce nouveau pays». Voilà qui surprendra Pauline Marois, qui a prudemment mis le référendum au rancart au vu des sondages qui tous confirment que l'appétit pour la souveraineté est à son plus bas. Détail piquant, la lettre a été écrite sur le papier à entête de la Chambre des communes!

Et ce n'est pas fini. Au lieu de venir s'adresser aux Québécois, les seuls qu'il faudrait convaincre, M. Duceppe continue à faire la promotion de la souveraineté partout sauf au Québec! Il compte effectuer l'automne prochain une grande tournée en Europe et aux États-Unis pour y livrer le message souverainiste. C'est ce qui s'appelle passer à côté de la plaque.

M. Duceppe a déjà lorgné du côté du leadership du Parti québécois. Il faut croire que maintenant que Mme Marois occupe le terrain, il s'est trouvé une nouvelle vocation, celle de ministre des Affaires étrangères du Québec-prochainement-indépendant! À moins que, le 24 juin approchant, il ne se prenne pour saint Jean-Baptiste, le prophète parcourant le vaste monde pour annoncer la venue du Christ, autrement dit du Grand Soir...