Quand je circule à Montréal, c'est parfois au volant, mais le plus souvent sur mes deux pattes. La position piétonnière est d'ailleurs de loin la plus sécuritaire, compte tenu de l'indiscipline notoire des automobilistes et des cyclistes montréalais. À tout prendre, faut-il dire, j'ai bien plus peur des derniers que des premiers.

Quand je circule à Montréal, c'est parfois au volant, mais le plus souvent sur mes deux pattes. La position piétonnière est d'ailleurs de loin la plus sécuritaire, compte tenu de l'indiscipline notoire des automobilistes et des cyclistes montréalais. À tout prendre, faut-il dire, j'ai bien plus peur des derniers que des premiers.

Une automobile est une grosse masse bruyante, on la voit et on l'entend venir, on peut l'éviter. Le cycliste, par contre, est une présence filiforme qui glisse sans bruit sur la chaussée et qui vous surprendra.

Et puis, il y a tout de même des choses que même les pires chauffards ne feront pas. En auto, on ne peut circuler à contre-sens ni montrer sur le trottoir pour éviter les bouchons. Les cyclistes, par contre, se croient tout permis, grâce à la légèreté de leur véhicule. Ils circulent à contresens dans la rue, empruntent les trottoirs qui devraient être réservés aux piétons, et se faufilent dangereusement entre les voitures en faisant du slalom.

Je suis toujours sur mes gardes quand je traverse une piste cyclable comme celle du boulevard De Maisonneuve. Je regarde des deux côtés même si le feu est vert, car je sais qu'un cycliste sur deux n'arrêtera pas au feu rouge. Les pires sont les coursiers, ou ceux qui prennent le centre-ville pour une piste d'entraînement, mais ce ne sont pas les seuls. Pas plus tard qu'hier, boulevard René-Lévesque, j'ai vu deux policiers à vélo brûler l'un après l'autre un feu rouge!

À force de se faire dire qu'on peut tout faire à vélo, y compris son marché hebdomadaire, certains cyclistes prennent des chances inouïes. L'autre jour, rue Duluth, une jeune cycliste est tombée juste devant un taxi, qui heureusement circulait lentement. Elle avait suspendu à son vélo, aussi bien sur les côtés qu'au guidon, une dizaine de sacs d'épicerie remplis à ras bord, qui évidemment avaient déséquilibré la bicyclette.

Les piétons montréalais, cependant, sont devenus des citoyens modèles. Je ne sais pas à quoi attribuer ce changement culturel. Le piéton montréalais avait depuis toujours la réputation de traverser les rues en diagonale ou au feu rouge pour peu que le passage soit libre, et ces pratiques ont scandalisé des générations de touristes, pour qui le «Jaywalking» était une bizarre spécialité montréalaise. Mais je constate depuis quelques années que la plupart des piétons observent les règles à la lettre. Ils ne traversent qu'aux intersections. Ils restent sagement sur le trottoir en attendant que le feu tourne au vert, sans même mettre un pied dans la rue! C'est particulièrement évident rue Sainte-Catherine, même aux heures d'affluence. Je suis souvent la seule, aux intersections où se pressent une masse de gens patients, à avoir gardé nos mauvaises habitudes montréalaises, comme si elles étaient inscrites dans mes gènes.

Que dire des automobilistes? J'ai souvent côtoyé, au volant, les automobilistes de Vancouver et ceux de la province française. Les Vancouverois sont de parfaits gentlemen, auprès desquels l'automobiliste québécois est un pithécanthrope. Les Français, jusqu'à tout récemment, étaient des dangers publics : ils conduisaient de façon moins anarchique que les Québécois, mais beaucoup trop vite, et surtout ils avaient cette détestable habitude de vous coller derrière même quand vous occupiez la voie du milieu d'une autoroute. Mais la France s'est donné des lois draconiennes contre la vitesse et l'alcool au volant, multipliant les radars et les mesures punitives. Cela a considérablement réduit le nombre d'accidents mortels. Dans la foulée des horribles tragédies qui viennent de coûter la vie à cinq cyclistes, notre gouvernement devrait faire pareil.