Le Bloc québécois aura beau tempêter, l'octroi de nouveaux sièges parlementaires à l'Ontario et aux deux provinces de l'Ouest – ce qui ipso facto diminuera de quelque 2% le poids du Québec aux Communes – est un développement inéluctable. Ces trois provinces ont connu, ces dernières décennies, une expansion démographique fulgurante, alors que la population québécoise reste à peu près stable.

Le Bloc québécois aura beau tempêter, l'octroi de nouveaux sièges parlementaires à l'Ontario et aux deux provinces de l'Ouest – ce qui ipso facto diminuera de quelque 2% le poids du Québec aux Communes – est un développement inéluctable. Ces trois provinces ont connu, ces dernières décennies, une expansion démographique fulgurante, alors que la population québécoise reste à peu près stable.

Loin de tenir au taux de natalité, qui reste bas partout, la différence vient essentiellement du fait que le Québec reçoit moins d'immigrants, et que la province a du mal à retenir tous ceux qu'elle a recrutés. Les immigrants les plus entreprenants ont tendance à déménager vers l'ouest, une fois obtenu leur statut d'immigrant reçu. Or, comme le confirme une récente étude du groupe CIRANO, l'une des raisons de ce déficit dont souffre le Québec, c'est que ses immigrants ont deux fois plus de mal à se trouver du travail que dans les provinces en expansion.

Des chiffres? En 2006, leur taux de chômage atteignait 11,2%, soit deux fois plus que celui des Québécois de souche... et deux fois plus que le taux de chômage des immigrants établis en Ontario ou en Colombie-Britannique. Ce sont les immigrants les plus récents (ceux qui sont arrivés depuis moins de cinq ans) qui sont les plus touchés. Leur taux de chômage atteint 19,3%, contre 11,7% dans le reste du pays.

Pourtant, les immigrants sélectionnés par le Québec sont de plus en plus instruits et qualifiés professionnellement. En plus, comme le plus gros contingent provient du Maghreb, nombre d'entre eux parlent déjà très bien français. Serait-ce que pour ceux-là, le manque de connaissances en anglais constitue un obstacle? Mais alors, comment expliquer que les immigrants maghrébins chôment dans une proportion de 18,8% au Québec... mais de seulement 7,1% en Ontario?

Une explication, parmi d'autres, est venue de deux ou trois employeurs qui admettaient dans de récentes lettres aux journaux qu'ils hésitent à embaucher un immigrant, surtout s'il provient d'une minorité visible ou s'il est musulman.

Ils craignent, disent-ils, que ces immigrants exigent des «accommodements», demandent des congés spéciaux ou pire, que si jamais on les congédie pour incompétence, l'employeur se retrouve devant la Commission des droits de la personne...

Ces témoignages venaient, notons-le, de petits employeurs, et on ne peut les blâmer totalement: si vous n'avez que trois ou quatre employés, c'est plus simple d'embaucher quelqu'un qui vous ressemble, quelqu'un de «prévisible», qui ne risque pas de vous causer d'ennuis supplémentaires. Or, dans la réalité, ces craintes ne sont pas fondées, car seule une infime minorité de musulmans fonctionne sur un mode militant. Dans les provinces en expansion, en tout cas, les employeurs, petits ou gros, ne semblent pas habités par ce genre de frayeur, comme en témoigne le faible taux de chômage de leurs immigrants.

C'est donc qu'il y a, au Québec, un climat général qui encourage la circulation de perceptions fausses. Les grandes crises, la plupart artificielles, provoquées par les médias à sensation à propos des «accommodements» ont posé la toile de fond et laissé croire aux gens qu'«immigrant» (surtout musulman) était synonyme de «trouble».

Dans ce contexte, le rôle d'un gouvernement responsable aurait été de calmer le jeu et de refuser d'embarquer dans l'hystérie hérouxvillienne. Hélas, le nôtre a fait tout le contraire, avec sa commission d'enquête sur l'immigration, ses lois sur le «vote voilé» et sur le niqab. En accordant une importance exagérée à des incidents isolés et relativement insignifiants, le gouvernement Charest a accrédité tous les préjugés qui couraient ici et là. Le Québec va en payer le prix.