Il y a quelques années, une de mes amies m'avait avoué qu'elle payait ses enfants (deux grands ados!) pour qu'ils daignent bien s'acquitter à l'occasion de ces petites tâches qui devraient aller de soi quand on partage un foyer: sortir les poubelles, passer l'aspirateur, remplir le lave-vaisselle, mettre ses propres affaires au lavage... Chaque tâche avait été tarifée par négociation entre le syndicat des enfants et la partie patronale, pardon, parentale.

J'avais été scandalisée. Quelle sorte d'éthique transmet-on à des jeunes quand on leur dit, espèces sonnantes à l'appui, que tout travail, même celui qui devrait être dicté par la solidarité familiale la plus élémentaire, doit être rémunéré? Est-ce que ces enfants exigeront plus tard un chèque de paie pour accompagner leur vieille mère à l'hôpital?

 

J'ai sursauté de la même façon quand j'ai lu, dans le document de travail préparé pour le colloque que le PQ tiendra le week-end prochain sur la création de la richesse, que l'on s'interrogera sur l'opportunité, pour lutter contre le décrochage scolaire, de «rémunérer l'obtention du diplôme d'études secondaires avec des bourses d'études ou tout autre moyen». Fidèle à ses habitudes, au lieu de penser aux moyens concrets d'adapter l'enseignement aux élèves, le PQ pense tout de suite à des solutions mur à mur étatiques et à la voie législative. On entend «prendre des moyens extraordinaires comme de légiférer pour encadrer le travail des étudiants» (sic).

«Nous demeurons progressistes», dit Mme Marois. Progressiste, l'idée de relier l'étude, le travail et l'effort intellectuel - encore ici, des choses qui devraient aller de soi quand on est d'âge scolaire - à une question de gros sous?

L'école secondaire, au Québec, est gratuite. Faudrait-il donner en plus un salaire aux élèves qui accepteraient de terminer leur cours? Ce serait un précédent fort douteux moralement, et probablement même pas efficace.

On sait bien, pourtant, que le décrochage ne tient pas d'abord à la pauvreté. Sa cause principale est le peu d'importance que trop de familles accordent à l'instruction. On sait aussi que le décrochage, qui est surtout le fait des garçons, prend une partie de sa source dans le fait que l'école est, globalement, une institution faite pour les filles - une institution où non seulement le personnel est démesurément féminin, mais où les valeurs traditionnelles masculines (courage physique, bravoure, sens des responsabilités, compétition, stoïcisme et pudeur face aux épreuves) ont été systématiquement dénigrées, et les comportements traditionnels masculins, impitoyablement réprimés, comme si la brusquerie et les bousculades identifiaient un criminel en puissance. Même les sujets de lecture, souvent axés sur les histoires sentimentales, ont de quoi rebuter les garçons.

Ceux qui écopent, ce sont les plus fragiles - ceux dont le père est absent ou qui viennent de familles dysfonctionnelles, ou qui sont incapables de se projeter minimalement dans l'avenir et de réaliser que leur vie sera meilleure s'ils ont un secondaire V et un bon métier appris au cégep.

Ne peut-on pas imaginer, non pas pour tous les ados du Québec, mais spécifiquement pour ces garçons en difficulté, des classes animées par des éducateurs masculins, où l'on lirait des trucs sur le sport et où l'on incorporerait au programme des périodes d'activités physiques et manuelles? Et qu'importe si ces éducateurs n'ont pas le fameux brevet! N'y a-t-il pas au Québec des gars jeunes, dynamiques, capables d'enseigner correctement des matières de base tout en constituant des figures paternelles et entraînantes pour ces garçons sans boussole?