Denys Arcand avait trouvé un titre prémonitoire. Le fait marquant de la décennie est en effet le déclin de l'empire américain.

Déclin tout relatif, cela va de soi. Les États-Unis restent la puissance la plus riche, la plus avancée scientifiquement, la plus forte militairement, et celle dont la culture est le plus innovatrice. Mais déclin il y a.

La décennie s'est ouverte avec la violente attaque du World Trade Center et du Pentagone. C'était le début de l'ébranlement de l'imprenable forteresse qui dominait le monde sans partage depuis l'effondrement de l'URSS.

 

La décennie s'est terminée sur l'image d'un président américain insolemment «snobbé» par la Chine. À Copenhague, Barack Obama a dû accepter ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'aurait toléré: c'est le numéro deux du gouvernement chinois qui fut son interlocuteur, son homologue n'ayant pas daigné se déplacer. Et ce sont trois sous-fifres qui se sont présentés à la rencontre bilatérale convoquée par Obama et la secrétaire d'État, Hillary Clinton.

Venant de n'importe quel pays, cela aurait été un énorme camouflet. Mais venant de la Chine, où la classe politique a depuis toujours une conscience aiguë de la hiérarchie et du protocole diplomatique, l'insulte était de taille... mais Obama n'a pas réagi, soit par tempérament, soit parce que nul pays, même pas le sien, ne peut se permettre de gâcher ses rapports avec la Chine.

Entre les attentats de septembre 2001 et Copenhague, une série d'événements avaient abîmé la superbe américaine. La catastrophique invasion de l'Irak, l'enlisement en Afghanistan, la crise financière... Le monde démocratique a frémi d'espoir à l'élection d'Obama, mais les beaux discours du nouveau président n'ont rien changé, ni en Iran, ni dans la mouvance islamiste où l'on rêve encore d'abattre le Grand Satan américain.

Il n'y a pas à se réjouir de voir les États-Unis affaiblis. S'il doit y avoir une superpuissance en ce monde, il vaut beaucoup mieux que ce soit une démocratie libérale plutôt qu'un pays totalitaire. L'Europe, dans laquelle certains ont cru voir une puissance capable de contrebalancer les États-Unis, ne fait pas le poids. Trop étirée à l'est, devenue un immense fourre-tout sans projet autre que de maintenir la force de l'euro et de gérer ses tentaculaires institutions et ses innombrables courants politiques, elle sera congénitalement incapable de développer une politique étrangère commune.

L'avenir, pour l'instant, porte le surnom de BRIC, pour le bloc des puissances émergentes que sont le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Des pays qui ont commencé, à des degrés divers, à briser les chaînes du totalitarisme et de l'autoritarisme, qui ont réussi à tirer une bonne partie de leurs peuples de la misère, et qui se développent à un rythme aussi soutenu qu'admirable.

Aucune d'elles ne pourra toutefois succéder à moyen terme à l'empire américain. Ni le Brésil, ni la Russie, dont les économies et la culture politique restent rudimentaires, ni l'Inde, qui fait face à d'immenses problèmes internes, ni même la Chine, quoique ce soit la seule qui ait des volontés expansionnistes, comme on le voit par les multiples opérations politico-commerciales qu'elle mène en Afrique.

CINÉMA Deux erreurs se sont glissées dans ma chronique de samedi, qui portait sur les films que j'ai préférés en 2009. Le titre de «la chronique familiale japonaise» est Still Walking, et non pas Still Standing. En outre, le dernier film de la liste, sur le périple d'une petite paysanne chinoise, est intitulé She, A Woman, et non pas Last Chance For Love. Ce dernier titre est celui d'un autre film chinois tout à fait intéressant, mais que j'avais finalement retiré de ma liste au profit du précédent. D'où la confusion des titres.