Devinette: quel est le parti, au Canada, qui repose sur un véritable financement populaire? Surprise: le Parti conservateur de Stephen Harper!

C'est le seul qui pourrait se passer du financement public, parce qu'il vit des contributions de ses partisans.

Le PC bénéficie de la tradition du Reform, qui était un parti authentiquement populaire et militant, à l'image du PQ des débuts. Dans les provinces de l'Ouest, qui sont le berceau du Reform, les gens ont gardé le sens de l'engagement communautaire, et ils sont prêts à donner de l'argent pour défendre leurs idées... une mentalité à peu près disparue dans la plupart des régions du pays, où l'on attend tout de l'État.

 

Même les partis fondés sur un idéal, comme le PQ, le NPD ou Québec solidaire, comptent essentiellement sur les fonds publics. Et leurs partisans ne leur verseront même pas l'équivalent de ce qu'ils dépensent pour se procurer le dernier gadget à la mode.

Les choses étant ainsi, ne nous étonnons pas si la tentation d'accroître le financement public des partis continue à faire du chemin, dans la foulée des récents scandales municipaux. Ce serait bien la pire des solutions, celle qui achèverait de déresponsabiliser les citoyens et de faire des partis politiques de purs appareils bureaucratiques qui ne devraient rien à leur base militante.

Il faut certainement modifier la loi qui régit le financement des partis, une loi pleine de trous que les partis et leurs donateurs contournent allègrement, tant au niveau provincial que municipal, et dont tous les partis tirent profit... en dessous de la table. Heureusement, le consensus commence à s'établir autour du fait que l'héritage de René Lévesque n'a rien de sacré, et qu'il doit être révisé. Même l'ancien directeur général des élections, Pierre-F. Côté, grand ami de Lévesque, en est venu à cette conclusion.

Il est arrivé à cette loi ce qui arrive aux lois trop idéalistes. Comme elle ne permet pas aux partis d'accumuler de bons trésors de guerre, tout le monde la contourne joyeusement. Soit par des dons en argent liquide, soit par des contributions d'entreprises déguisées en dons individuels ou en «prêt» de personnel ou d'équipement.

Il serait moins hypocrite d'autoriser les souscriptions des personnes morales (entreprises, syndicats, associations), en posant bien sûr des balises fermes: un montant maximal et la publication de la liste des gros souscripteurs; c'est la transparence qui préviendrait les retours d'ascenseurs.

Curieusement, l'idée la plus farfelue - celle en tout cas qui ignore complètement ce qu'est la nature humaine - est venue de M. Côté et du juge Jean Moisan, qui a écrit un rapport sur la question. Les dons d'entreprises iraient au DGE, qui les redistribuerait aux partis selon le pourcentage de votes qu'ils ont obtenu...

Vous voulez financer Québec solidaire, et la plus grande partie de votre cotisation aboutirait dans la caisse des «vieux partis»! Vous voulez donner aux libéraux, et la moitié de votre souscription s'en irait au PQ! Quelle entreprise, quel syndicat voudrait voir son don non seulement ignoré du destinataire, mais détourné au profit de partis qu'il ne veut pas financer?

N'attendons pas trop des «jurys citoyens» que le DGE va mettre sur pied pour réfléchir à la question. Cette méthode populiste a été utilisée en Colombie-Britannique sur la réforme du mode de scrutin... et la proposition de ces citoyens «ordinaires» (mais solidement encadrés par des politologues) a été prestement rejetée par les électeurs.

C'est au législateur que revient la tâche de revoir le système de financement des partis, et les députés devraient relever leurs manches et se mettre au travail.

lgagnon@lapresse.ca