Thomas Mulcair doit se frotter les mains. Au lieu de faire face à l'ancien ministre Martin Cauchon, son adversaire sera une inconnue dépourvue d'expérience politique. Par sa propre faute, le PLC risque de voir cette circonscription traditionnellement libérale retomber une fois de plus dans l'escarcelle du NPD, en plus de se priver d'un des rares Québécois susceptibles d'hériter d'un ministère important dans un éventuel gouvernement Ignatieff.

La guéguerre que les libéraux viennent de se livrer dans Outremont est significative à plus d'un titre. Elle montre que Denis Coderre, l'omniprésent lieutenant québécois de Michael Ignatieff, est prêt à tout, même à compromettre les chances de son parti, pour écarter un rival susceptible de l'éclipser quand viendra le temps de former un cabinet... ou de succéder à Michael Ignatieff.

L'affaire illustre aussi l'inexpérience du nouveau chef libéral, qui a laissé l'un de ses principaux collaborateurs solliciter la candidature de M. Cauchon dans Outremont... pour ensuite refuser de désavouer son lieutenant québécois. M. Ignatieff s'est justifié avec l'excuse passe-partout qu'il faut favoriser les femmes. En filigrane, on se rappellera que M. Cauchon avait appuyé Bob Rae dans la course au leadership de 2006... tandis que Denis Coderre avait misé sur Ignatieff.

Le plus drôle dans cette histoire, c'est que M. Coderre a proclamé sur tous les toits que sa candidate dans Outremont était une «candidate-étoile». Pardon? Nathalie Le Prohon, vous connaissez? Il n'est pas nécessaire d'être connu du grand public pour être un bon candidat. Mais les mots ont un sens: une vedette, c'est une personne connue.

Il est un peu exagéré de décrire Mme Le Prohon comme une femme d'affaires de haute voltige. Elle ne l'est plus depuis cinq ans. Née en Ontario, diplômée de McGill et de Concordia, elle a occupé des postes de direction à IBM avant de devenir, en 2003, PDG de Nokia... un poste qu'elle n'occupa qu'un an, car en 2004, à l'âge de 43 ans, elle allait être frappée par un cancer extrêmement agressif contre lequel elle a dû recourir à des thérapies d'avant-garde. Mariée à un homme d'affaires important (Stéphane Boisvert, président de Bell Enterprise Group), elle s'est retirée du marché du travail et se consacre à la lutte contre le cancer tout en siégeant à deux conseils d'administration (dont Hydro-Québec) et au comité de vérification du ministère de la Défense.

L'essentiel de sa carrière s'est déroulé en Ontario, où elle a vécu les 12 années précédant le déménagement de sa famille à Montréal, en 2008.

M. Cauchon n'a rien de charismatique, mais l'ancien ministre aurait eu plus de chances que Mme Le Prohon de reprendre Outremont, une circonscription qu'il a remportée à trois reprises - la dernière fois avec 7000 voix de majorité. Et contrairement à Mme Le Prohon, il est bien enraciné au Québec... ce qui est en train de devenir un atout politique, dans un parti dont seulement la moitié de la députation québécoise est canadienne-française et qui compte aujourd'hui très peu de figures de proue francophones. (Il y a Justin Trudeau, Denis Coderre, Marc Garneau, Stéphane Dion... qui d'autre?)

En tout cas, on a hâte de connaître ces formidables candidats de prestige à qui M. Coderre veut offrir «ses» circonscriptions les plus sûres. Un nom a filtré, celui de Rita De Santis, à qui M. Coderre réserverait la circonscription de LaSalle-Émard. Mme De Santis, une avocate spécialisée dans le droit commercial et corporatif, est depuis longtemps active dans les cercles libéraux et dans la communauté italienne de Montréal, mais malgré ses qualifications professionnelles, elle n'est pas ce qu'on peut appeler une «candidate-vedette».