Découverte troublante: les retards scolaires des enfants de familles démunies tiendraient à l'effet du stress sur le cerveau, plus spécifiquement à la partie du cerveau qui régit la mémoire à court terme - celle qui retient les informations qui vous permettront d'apprendre à lire ou à résoudre des problèmes.

C'est ce que rapporte le magazine The Economist du 2 avril. La prestigieuse publication cite des recherches récentes, comme celle faite à l'Université de Pennsylvanie, qui a montré que la mémoire à court terme des enfants élevés dans la pauvreté est plus limitée que celle des enfants de classe moyenne. Dans la foulée, deux chercheurs de l'Université Cornell ont démontré que cette capacité réduite tiendrait essentiellement au stress - une condition dont les pauvres, disent les chercheurs, souffriraient plus que les autres.

 

Or, le stress affecte le développement du cerveau, en transformant l'activité des neurotransmetteurs qui véhiculent les signaux d'une cellule nerveuse à l'autre. Le stress a pour effet de réduire le volume du cortex préfrontal et de l'hippocampe, les deux parties du cerveau les plus étroitement associées à la mémoire à court terme. D'où l'hypothèse que les enfants nés de familles démunies auraient plus de difficultés d'apprentissage, accumulant les retards scolaires et entraînant plus tard leurs propres enfants dans le cycle de la pauvreté.

J'aimerais bien lire un débat sur la question, car les conclusions rapportées par The Economist, toutes sérieuses soient-elles, sont pour le moins surprenantes. Le stress comme facteur unique ou principal des retards scolaires? Davantage que le niveau de scolarité des parents, l'atmosphère du foyer, la qualité des profs, l'influence des pairs, etc.?

Un enfant de famille démunie éprouve-t-il plus de stress que l'enfant de classe moyenne que ses parents dressent comme un animal savant et forcent à «performer» au-delà de ses capacités?

Que dire des enfants qui subissent durant leur petite enfance le divorce acrimonieux de leurs parents? Ou qui vivent dans un foyer en tension perpétuelle? Quel que soit leur niveau social, ne sont-ils pas terriblement «stressés»? Un enfant matériellement choyé, mais rejeté par sa mère n'éprouve-t-il pas plus de stress qu'un enfant pauvre élevé dans l'amour?

Le stress d'un cadre aux prises avec des exigences de rendement inhumaines n'est-il pas supérieur à celui d'un assisté social qui se satisfait du peu qu'il a parce qu'il n'attend rien d'autre de la vie?

Autant de questions que j'aimerais bien poser à des chercheurs en neuroscience.

Chose certaine, si ces résultats concernant l'effet sur le cerveau du stress dû à la pauvreté sont probants, la règle comporterait moult exceptions. Nous connaissons tous des gens qui ont été élevés dans la misère, mais qui ont mené des carrières fabuleuses après avoir été admis dans les plus grandes universités. Exemple: Bill Clinton...

Les contre-exemples sont innombrables: combien d'immigrants partis de rien se sont enrichis, pour ensuite faire instruire leurs enfants? Seulement au Québec, on pourrait nommer des milliers de gens qui, nés de parents très pauvres, se sont ensuite formidablement affirmés. Henri-Paul Rousseau, l'ex-patron de la Caisse de dépôt, a vécu son enfance dans la pauvreté. En voilà un qui n'a pas eu de problèmes d'apprentissage!

Il y a aussi cette immense cohorte de «faux pauvres»: des gens nés dans des milieux financièrement démunis, que l'on jugerait pauvres selon nos barèmes de 2009, mais qui disent: «On était pauvre, mais on ne manquait de rien.» Exemple: Lucien Bouchard.

En somme, le manque d'argent ne peut-il pas être compensé par l'affection des parents ou d'autres influences bénéfiques?